Déclaration lue au CTMEN du 28 juin en présence du nouveau ministre de l'Education Nationale Pap Ndiaye.
La crise du recrutement chez les enseignants : le Sgen-CFDT alerte sur la situation depuis plusieurs années
Les résultats des concours révèlent un déficit important dans les recrutements de personnels enseignants du premier degré et dans plusieurs disciplines du second degré, et il en est de même pour les personnels d’éducation et les psychologues de l’Éducation nationale. Dans des académies déjà fortement déficitaires à la rentrée 2021, la situation s’aggrave pour les CRPE.
Les recrutements de personnels contractuels pourraient ne pas suffire à assurer l’enseignement dû aux élèves partout et de manière stable sur l’ensemble de l’année scolaire.
Et ce n’est pas faute de déposer des alertes depuis maintenant 5-6 ans… Nous vous avons alerté, Monsieur le ministre, sur le risque que, de nouveau, des classes soient privées d’enseignants parfois sur une longue durée. Cette dégradation du service public d’éducation et des conditions d’exercice des personnels est extrêmement inquiétante.
Notre pays doit investir plus massivement dans son système éducatif dans la durée pour que l’École républicaine soit à la hauteur de sa promesse, et que le recours à l’emploi contractuel recule.
Revaloriser les débuts de carrière : une mesure qui doit faire sens !
Parvenir à inverser la tendance suppose d’agir dans plusieurs domaines en construisant les solutions dans le cadre d’un réel dialogue social. Il convient de revaloriser significativement et de manière cohérente les rémunérations sans accroître la charge de travail et sans intensifier le travail.
Améliorer la rémunération des débuts de carrière est indispensable et doit s’accompagner de revalorisation tout au long de la carrière. C’est indispensable pour que la rémunération fasse sens, pour ne pas démotiver des collègues plus avancés dans leur carrière.
Cette revalorisation doit être construite dans la durée pour ne pas être rognée aussitôt par l’inflation et la revalorisation du SMIC.
Les rémunérations qui font sens sont aussi celles qui assurent la juste reconnaissance des qualifications requises et des compétences mises en application au travail. Et cela concerne l’ensemble des personnels de l’Education nationale.
Améliorer les conditions de travail pour redonner du sens aux missions des enseignants
Redonner de l’attractivité aux métiers de celles et ceux qui font l’école au quotidien, réduire le turn-over, réduire les demandes de démission passe par l’amélioration des conditions de travail et des conditions d’exercice des missions, et des conditions d’exercice des missions, par l’accompagnement des parcours professionnels souhaités par les agents.
Vous le savez, les personnels sont fatigués et cela ne résulte pas que de la pandémie. L’intensification du travail, l’absence d’organisation du travail adaptée à la réalité des missions, la non reconnaissance d’une partie importante du travail conduisent de nombreux collègues à considérer qu’ils sont contraint.e.s de mal travailler, qu’ils n’exercent pas dans des conditions leur permettant de bien réaliser leurs missions.
Cela induit une perte de sens au travail, insupportable pour de plus en plus de nos collègues. Aimer son travail mais ne plus supporter les conditions dans lesquelles on l’exerce, est évidemment source de risques psychosociaux majeurs.
Pourtant tous les personnels, quel que soit leur métier, aspirent à bien travailler, à contribuer davantage à l’égalité des chances et à l’émancipation par l’éducation. Construire une École qui résorbe davantage les inégalités sociales, dénoue les fils de la reproduction sociale est un objectif partagé.
Pour le Sgen-CFDT, cela implique tout à la fois d’améliorer les conditions d’exercice des missions, les conditions de formation initiale et continue des personnels, de mieux organiser et reconnaître le travail en équipe pluriprofessionnelle notamment pour mieux assurer l’accompagnement pédagogique, médical et social de tous les élèves, de mieux accompagner la construction des projets d’orientation des élèves.
L’intensification du travail de toutes et tous nuit à ce travail en équipe. Le recours de plus en plus important aux heures supplémentaires pour faire fonctionner le second degré, la non reconnaissance du travail conséquent réalisé dès l’école maternelle pour l’inclusion scolaire épuisent les personnels.
Reprendre la structuration des réseaux d’éducation prioritaire pour la réussite de tous les élèves
Il faut aussi reprendre le travail sur la structuration de l’éducation prioritaire, dans le droit fil de la refondation initiée pendant le quinquennat 2012-2017.
Le précédent ministère a depuis, laissé le dossier en chantier : pas d’évolution de la carte des REP/REP+, pas de redéfinition d’une politique claire au niveau du lycée, des textes obsolètes par rapport à l’évolution de la politique de la ville et conservés en l’état, ajout de dispositifs qui devaient être expérimentés et qui se développent avant toute évaluation…
Tout cela aboutit à un paysage institutionnel et pédagogique confus , sans vision partagée des chemins à emprunter pour que la réussite de toutes et tous soit un objectif clair.
L’École Inclusive ne se fera pas sans une vraie reconnaissance des AESH
Cela suppose aussi de changer résolument de braquet sur les conditions de réalisation d’une école inclusive pour les élèves en situation de handicap : réflexion pour améliorer les conditions d’accueil et d’enseignement au sein de la classe, amélioration des conditions d’emploi et de rémunération des AESH, reconnaissance de l’investissement de tous les personnels au cœur de leur mission et dans le travail partenarial sont indispensables.
Pour les AESH, le Sgen-CFDT revendique la création d’un corps de fonctionnaires de catégorie B.
Dans l’immédiat, nous demandons que les AESH puissent être recrutés directement en CDI et CDIsés sans attendre les 6 années d’exercice, que les conditions pour proposer des emplois à temps plein soient construites et que leur rémunération horaire continue d’être revalorisée.
Réduire les écarts entre les personnels d’enseignement
Pour tous les personnels d’enseignement, nous revendiquons une indemnité reconnaissant leurs fonctions et responsabilités plus élevée que l’ISAE et l’ISOE en assurant l’égalité entre premier et second degré, et entre femmes et hommes.
Ne pas agir dans la précipitation
Si les défis sont grands, si l’urgence est forte, la précipitation pourrait conduire à des échecs. Le calendrier politique vous contraint à prendre vos fonctions et à ne pouvoir agir que tardivement dans l’année scolaire.
Introduire à cette période de l’année des changements qui auraient vocation à s’appliquer dès la rentrée scolaire, c’est de fait nier le travail de préparation de rentrée, d’organisation collective de l’année 2022-2023 pourtant déjà réalisé par les équipes dans les écoles, collèges et lycées.
C’est déjà le problème posé par l’introduction des mathématiques dans le tronc commun en première. C’est tardif, cela génère des difficultés et une charge de travail. Ce n’est pas le moment de demander aux établissements d’amender leur projet pédagogique.
Le Sgen-CFDT conteste la décision de l’exécutif de généraliser des expérimentations qui ne sont pas vraiment mises en œuvre, qui n’ont pas été évaluées.
Nous pensons évidemment aux annonces faites à Marseille. Si l’on croit à l’intérêt de l’innovation pédagogique et de l’expérimentation, il faut les soutenir correctement, se donner le temps de construire, de mettre en œuvre et d’évaluer avant d’envisager l’essaimage, et en tout état de cause ne pas imposer d’en haut.
Une future politique scolaire tournée vers le changement climatique qui devra être cohérente
Vous avez évoqué Monsieur le ministre votre volonté de conduire une politique scolaire adaptée au changement climatique via deux axes de travail : le bâti scolaire et les programmes d’enseignement.
Sur le premier, nous ne pouvons que saluer la volonté d’impulsion que nous appelons de nos vœux depuis longtemps.
Il convient de ne pas oublier les questions de qualité de l’air intérieur à la fois pour des enjeux climatiques, mais aussi en lien avec la pandémie de covid19 qui n’est pas derrière nous, et globalement avec la santé des élèves et des personnels.
Sur les programmes d’enseignement, cela supposera de ne pas avoir une logique d’ajout sans penser l’équilibre et la faisabilité d’ensemble. Il faudra prioriser, mettre en cohérence. Nous rappelons que les programmes actuels sont souvent trop chargés.
Il y a d’autres axes de travail : quelle place donnons-nous réellement aux projets élaborés par les élèves ? quelle capacité nous donnons-nous pour adapter l’organisation scolaire, y compris les examens, au réchauffement climatique et à la plus grande fréquence d’événements météorologiques extrêmes afin que les élèves n’en subissent pas les conséquences dans leurs parcours scolaires et les personnels dans leurs conditions de travail ?
Quelles mesures en faveur des personnels pouvons-nous construire pour accompagner la transition énergétique par exemple sur le volet des déplacements professionnels et des déplacements domicile-travail ?
Les attentes des personnels en matière de revalorisation et de reconnaissance mais aussi d’amélioration de leurs conditions d’exercice pour redonner du sens à leur travail sont grandes. Pour le Sgen-CFDT, une loi de programmation pluriannuelle est nécessaire pour répondre aux attentes des personnels et renforcer le système d’éducation et de formation.