Le décret sur le repyramidage des enseignants-chercheurs n’est toujours pas publié et des rumeurs circulent sur un possible dévoiement du dispositif. Après avoir tenté d'amender les modalités de sa mise en œuvre, le Sgen-CFDT reste vigilant sur le contenu définitif du texte.
Le décret sur le repyramidage des enseignants-chercheurs découle du protocole d’accord du 12 octobre 2020 portant sur la revalorisation des carrières et des rémunérations des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour le Sgen-CFDT, ce dispositif doit prioritairement répondre aux situations de blocage que subissent bon nombre de collègues du fait de la pénurie de postes.
Rappel des objectifs initiaux du repyramidage
Le repyramidage consiste en la transformation de 2000 postes de maîtres de conférence (MCF) en postes de professeurs d’universités (PU) sur 5 ans (de 2021 à 2027). Il s’agit d’une voie complémentaire pour celles et ceux qui se trouvent bloqués dans leur carrière, malgré la qualité de leurs dossiers. Pour beaucoup d’entre eux, la pénurie de postes de PU a empêché toute évolution, alors que leur profil répondait à tous les critères, et qu’ils avaient même quelquefois été qualifiés à plusieurs reprises par le CNU.
Le repyramidage devrait permettre de répondre aux situations de blocage de carrière et de rééquilibrer le ratio PR/MCF entre les disciplines
Le repyramidage vise également à réduire les déséquilibres entre corps et grades de chercheurs et d’enseignants-chercheurs afin d’assurer des déroulements de carrières plus cohérents. En moyenne, le pyramidage des corps d’enseignants-chercheurs est de 31% de professeurs et de 69% de maîtres de conférences alors qu’il est pour les chercheurs de 45% pour les directeurs de recherche et de 55% pour les chargés de recherche. Il existe, en outre, de grandes disparités entre les disciplines : des ratios qui sont de l’ordre 20% PU / 80% MCF pour la moins bien lotie (STAPS) à 45% / 55% pour les plus pyramidées (exception faite de la Théologie protestante qui affiche le ratio le plus élevé (78% / 22%) mais ne compte qu’un très faible effectif (18 personnes au total).
Les 3⁄4 des postes repyramidés seront proposés aux maîtres de conférences hors classe et un quart est réservé pour les maîtres de conférences de classe normale ayant plus de 10 ans d’ancienneté. Dans ces deux cas, la détention d’une habilitation à diriger les recherches (HDR) est exigée.
Les modalités de repyramidage s’écartent des objectifs
Le projet de décret qui a été présenté au CTU le 11 juin 2021 et au CTMESR le 21 juin, détaille les modalités de mise en œuvre du repyramidage qui font craindre que les objectifs initiaux, i.e. tel qu’envisagés dans le protocole, ne pourront être atteints. C’est l’une des raisons pour laquelle le Sgen-CFDT a déposé des amendements importants dont une réécriture complète de l’article 4.
1er sujet de préoccupation : la répartition des possibilités de promotion
Dans le cadre du comité de suivi du protocole, il était envisagé une répartition des possibilités de promotion par établissement ET PAR DISCIPLINE. Ce n’est plus le cas dans le décret qui prévoit que l’arrêté ministériel ne fixera que la répartition par établissement. À charge pour eux de répartir ensuite les possibilités qui leur auront été notifiées entre disciplines. Dès lors, on voit mal comment le choix des établissements pourrait assurer la cohérence globale de l’ensemble et garantir l’objectif national de correction des écarts de ratios entre PR et MCF.
La procédure retenue ne permet pas de garantir l’objectif de correction des écarts entre disciplines
À noter – et ce n’est pas rien – que l’établissement de la liste d’aptitude doit tenir compte de la part respective des femmes et des hommes dans les disciplines concernées. On ne voit pas non plus comment la poursuite de l’objectif de lutte contre les inégalités femmes / hommes pourra être garanti avec ce type de répartition.
2ème sujet de préoccupation : la procédure d’évaluation des candidatures
Le choix opéré par le ministère pour procéder au repyramidage est celui de la promotion interne par « liste d’aptitude » et « par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l’expérience professionnelle ». Cela n’est évidemment pas anodin. On aurait certainement pu passer par le 46-3 (dispositif dit de la voie longue) mais cela supposait de modifier le décret statutaire n°84-431 pour lever la contrainte du contingentement. On relèvera, du reste, qu’une version antérieure du texte, stipulait que « le Conseil académique en formation restreinte délibère sur l’ensemble des activités décrites dans le rapport d’activités » et non « par appréciation de la valeur professionnelle ».
Le choix de procéder par « liste d’aptitude » et « par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l’expérience professionnelle » n’est pas anodin
Les étapes de la procédure telle que décrite dans le décret :
- Chaque candidat dépose sa candidature accompagnée du rapport d’activités mentionné à l’article 7-1 du décret du 06/06/1984, selon un calendrier et des modalités définis par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur.
- Au vu de rapports présentés, pour chaque candidat, par deux rapporteurs de niveau professeur ou assimilé librement désignés par le conseil académique (CAC), celui-ci délibère en formation restreinte sur l’ensemble des activités des candidats par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l’expérience professionnelle de ces agents en distinguant leur investissement pédagogique, la qualité de leur activité scientifique et leur investissement dans des tâches d’intérêt général. L’avis est soit très favorable, soit favorable, soit réservé.
- Les avis du conseil académique en formation restreinte et les rapports d’activités sont ensuite adressés pour avis par le président de l’établissement à la section compétente du Conseil national des universités, ou de la section compétente du CNU pour les disciplines de santé ou de la section compétente du conseil national des astronomes et physiciens.
- Après avoir entendu deux rapporteurs de niveau professeur ou assimilé désignés par le bureau de la section compétente du CNU, et sur la base des documents mentionnés à l’alinéa précédent [rapports d’activité], le collège compétent des professeurs des universités et personnels assimilés rend un avis sur le dossier du candidat. Cet avis est soit très favorable, soit favorable, soit réservé. En l’absence d’avis, celui-ci est réputé rendu.
- Les avis consultatifs du CAC et du CNU sont recueillis selon des modalités et un dispositif de cotation fixés par arrêté ministériel (pour l’heure, nous ne savons rien d’un tel dispositif !).
- Le président ou le directeur de l’établissement établit la liste d’aptitude en tenant compte des avis consultatifs du conseil académique en formation restreinte et de la section compétente du Conseil national des universités ainsi que des lignes directrices de gestion relatives aux orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours édictées par le ministre en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche et par les autorités compétentes de l’établissement d’affectation.
La position du Sgen-CFDT : un double contingent, national et local
Pour le Sgen-CFDT, il est évident que l’arrêté ministériel doit répartir les possibilités de promotion en deux contingents : pour moitié entre les sections CNU et pour moitié entre les établissements. Ou, à tout le moins, il doit notifier aux établissements la répartition des possibilités par disciplines (Cf. Amendements n°1 et n°2 du Sgen-CFDT). Seule une démarche de ce type peut garantir l’atteinte de l’objectif de rééquilibrage.
Le Sgen-CFDT proposait une autre procédure sur le modèle de ce qui se pratique pour l’avancement de grade
Le Sgen-CFDT préconise également une autre procédure de repyramidage, sur le modèle de ce qui se pratique pour l’avancement de grade, bien connu des enseignants-chercheurs. C’était l’objet de l’amendement n°4, à cette différence près que les candidatures puissent être portées directement au CNU sans passage préalable devant les instances locales pour ce qui est de l’attribution du contingent national. Ainsi, la moitié des possibilités de promotion serait attribuée par le CNU sans présumer de la position locale à l’égard de la candidature étudiée. L’autre moitié des possibilités serait attribuée par les établissements parmi les dossiers non encore promus par le national. Dans un cas comme dans l’autre (étape nationale et locale), l’ensemble des possibilités de promotion devrait être utilisé.
N’ayant pas obtenu satisfaction, tant sur le plan de la répartition des possibilités de promotion que sur le plan de la procédure, le Sgen-CFDT a finalement voté contre le texte présenté par l’administration au CTU et au CTMESR.
Le texte définitif sera-t-il celui qui a été examiné par les instances de dialogue social ?
Pour conclure, il reste que le décret n’est toujours pas publié. Il se murmure, par ailleurs, que d’aucuns useraient de leur influence pour détourner quelque peu la philosophie du dispositif en introduisant une « notion de projet ». Les candidatures ne reposeraient plus sur des conditions d’éligibilité et un rapport d’activités mais dépendraient d’un projet de recherche. Ce qui semble orthogonal au principe même du repyramidage qui consiste à instaurer une voie de recrutement complémentaire dans les corps de professeurs d’université sans préjudice des voies de concours classiques. Il s’agit donc bien, pour le Sgen-CFDT, de viser prioritairement les carrières bloquées et la reconnaissance de l’ensemble des missions.
La question qui reste en suspens est de savoir si les établissements, dans l’originalité de ce qu’ils ne manqueront pas de proposer, pourront se prévaloir des pratiques de « promotion interne sur liste d’aptitude » pour détourner l’objet du dispositif, sans forcément dévoyer l’esprit du texte. Le Sgen-CFDT appelle, sur tous ces points, à exercer la plus grande vigilance !