Professeur de mathématiques dans un collège de Bourges, Christophe Le Guelvouit pratique la classe inversée depuis quatre ans.
À l’origine de sa réflexion, un besoin de trouver du temps, en classe, pour mieux accompagner chaque élève au plus près de ses besoins, ceci face à des classes de plus en plus hétérogènes.
Depuis bientôt deux ans il est également secrétaire général de l’association « Inversons la classe ! ».
L’expression « classe inversée » semble recouvrir des pratiques variées. Est-ce un problème ? Peut-on identifier un principe commun ?
Souvent, la classe inversée est résumée, à tort, par des capsules vidéos de cours à regarder à la maison pour faire les exercices en classe. Le principe général va bien au-delà. Une définition qui pourrait être retenue est la suivante : l’objectif est de laisser les élèves en autonomie pour accomplir les tâches cognitives simples afin de mieux les accompagner en classe dans les tâches cognitives les plus complexes. La classe inversée regroupe donc un vaste ensemble de pratiques pédagogiques centrées sur l’apprenant. S’il est vrai que beaucoup d’enseignants appuient leur pratique sur des supports vidéos, il serait néanmoins réducteur d’assimiler la classe inversée à ces outils pédagogiques.
Le mouvement semble en plein essor. Est-ce dû au caractère innovant de cette démarche pédagogique ou est-ce lié au développement du numérique ?
La classe inversée connait un essor considérable. Pour donner un exemple, entre 2015 et 2016 le nombre de participants au Clic (Classe inversée : le congrès) est passé de 200 à 800. De plus en plus de collègues se tournent vers cette pratique. Les raisons semblent multiples. D’une part, les enseignants, en professionnels de l’éducation, cherchent continuellement à trouver des solutions pour modifier, enrichir et adapter leurs enseignements. La classe inversée est une solution accessible qui ne nécessite pas de moyens supplémentaires. En outre, elle ouvre l’horizon de l’enseignant à d’autres types de pédagogies. D’autre part, le numérique étant omniprésent dans la société actuelle, et partant, dans les nouveaux programmes, cette pratique donne un sens au numérique et à son usage qui prend alors sa place d’outil. De plus, un des attraits de la classe inversée est son caractère adaptable, tant dans sa mise en place que dans sa fréquence d’utilisation. Un enseignant peut décider de n’inverser que certains de ses cours, ou n’utiliser la classe inversée qu’avec certaines de ses classes. Enfin, une étude menée par « Inversons la classe ! » a montré que le développement de cette pédagogie était bien plus rapide dans les pays où une association accompagne les enseignants…
Tout cela bouleverse le rapport au temps scolaire. Il y a encore du travail personnel à mener en dehors de la classe. Comment prévenir ces critiques ? Et n’est-ce pas davantage le rapport aux savoirs qui est en cause ?
Avec la mise en place de la classe inversée, le professeur revient à sa place d’accompagnateur de l’élève, pour l’aider à construire son savoir. Il n’est plus question de servir le même menu à chaque élève. Le rapport aux savoirs n’est pas remis en cause, mais l’objectif est d’aider les élèves à construire leurs savoirs pour mieux se les approprier et les maitriser. Le travail en autonomie, en dehors de la classe, peut faire débat. Mais en réalité, dans de nombreuses modalités de classe inversée, l’essentiel du travail (voire la totalité) est fait en classe. Les modalités d’enseignement et d’apprentissage sont différentes, pour permettre à chaque élève de réussir.
N’y a-t-il pas un risque d’accentuer les inégalités sociales ? Pour en profiter, ne faut-il pas un fort accompagnement familial ?
D’une part, la fracture numérique ne semble pas être un frein car la plupart des enseignants trouvent des solutions pour que les élèves puissent accéder aux ressources numériques durant les temps d’autonomie. D’autre part, en faisant en sorte d’être au plus près des besoins de chaque élève, l’enseignant peut à la fois accompagner les élèves le plus en difficulté tout en stimulant les meilleurs. Au-delà de l’apport pur de connaissance, la classe inversée permet de développer chez tous les élèves l’autonomie, la collaboration, la pratique du numérique…
Inversons la classe !
« Inversons la classe ! » est une association de terrain, créée en 2014, qui impulse, accompagne et nourrit les changements de pratiques enseignantes, pour faire progresser chaque élève dans l’École du XXIe siècle. Concrètement, son objectif est d’informer, partager et échanger autour de la pratique de la classe inversée, en un mot : faire entrer la classe inversée dans la mallette pédagogique de chaque enseignant, qu’il l’utilise ou non. Elle est notamment à l’origine de l’organisation du Clic (« Classe inversée : le congrès » qui a réuni 800 participants en juillet 2016) et de la Clise (« Classe inversée : la semaine » dont la deuxième édition vient de prendre fin).