Le lundi 12 juin 2023, Pap Ndiaye a provoqué une réunion ministérielle avec les organisations représentatives des personnels sur la question du harcèlement scolaire. Une première à l'occasion de laquelle le Sgen-CFDT a fait des propositions.
Le ministre de l’Éducation nationale a réuni les organisations syndicales représentatives pour entendre nos propositions alors que le suicide de Lindsay, victime de harcèlement au collège et en ligne, a soulevé une émotion forte dans le pays, alors aussi que les personnels de son collège sont très éprouvés par son suicide et par la pression qui s’en suit.
Il y avait hélas eu d’autres suicides d’élèves victimes de harcèlement ces derniers mois, ces dernières années, mais c’est la première fois qu’une telle réunion avait lieu au ministère.
Le ministre veut améliorer la lutte contre le harcèlement et la protection des personnels
Le ministre a d’emblée souligné la mobilisation des personnels pour prévenir et lutter contre le harcèlement. Il considère qu’il faut que l’ensemble de l’Éducation nationale se mobilise plus encore.
Il a fait plusieurs annonces :
- la généralisation du programme pHARe à toutes les écoles, tous les collèges et lycées ;
- l’identification d’un.e référent.e en charge de s’assurer de la bonne mise en œuvre du programme pHARe sur la base du volontariat, et rémunéré.e pour cette mission ;
- le renforcement du financement des associations qui gèrent les numéros verts harcèlement scolaire (3020) et cyber-harcèlement à l’école (3810) ;
- l’amélioration des relations entre Éducation nationale, police et justice quand c’est nécessaire, en application de la loi de 2022 contre le harcèlement scolaire ;
- un travail avec les entreprises qui exploitent des réseaux sociaux, soulignant que le cyberharcèlement échappe en partie à l’école.
Pour le ministre, l’école doit agir mais elle ne peut pas tout et c’est donc une mobilisation globale de toute la société qui est nécessaire pour faire reculer le harcèlement.
Il a aussi affirmé que trop de personnels de l’Éducation nationale sont l’objet de menaces, de propos injurieux ou haineux et il veut faire plus que la protection fonctionnelle sur ce volet.
Pour le Sgen-CFDT, intensifier la lutte contre le harcèlement suppose des politiques éducatives adaptées et pas seulement des dispositifs en plus
Pour le Sgen-CFDT, la lutte contre le harcèlement est un sujet important qui mérite mieux que des mesures ponctuelles et précipitées.
Si l’on peut comprendre le souhait de s’assurer qu’une sensibilisation au cyberharcèlement ait lieu dans les collèges avant l’été, il ne faut pas demander aux établissements et classes qui l’ont déjà fait ou déjà programmé de tout revoir en urgence.
Pour nous, une politique efficace contre le harcèlement doit être pensée de manière plus globale et cohérente.
Les actions contre le harcèlement peuvent être mises en lien avec l’éducation à la citoyenneté. Et parce que le harcèlement a souvent partie liée aux discriminations LGBTQIA+ et à toutes les formes de discrimination, des établissements intègrent déjà lutte contre le harcèlement et lutte contre toutes les formes de discrimination, et c’est pertinent.
Par ailleurs, la lutte contre le harcèlement se joue autant sur le temps de la classe, que sur les temps hors la classe.
Pour avancer, il faut que les personnels d’enseignement, de vie scolaire, les psychologues de l’Éducation nationale et les personnels sociaux et de santé, et plus largement tous les adultes de l’établissement aient le temps de travailler ensemble.
C’est une des raisons pour lesquelles le Sgen-CFDT revendique l’instauration et la reconnaissance de temps de synthèses entre professionnels.
Le temps de concertation aujourd’hui dans les établissements scolaire n’existe pas, n’est pas structuré et il est encore moins reconnu. Or bien prévenir, détecter et traiter les situations de harcèlement relève d’une dynamique collective.
Sur le temps de la classe, à force de « muscler » les programmes et examens, de tout miser sur la mise en compétition plus que la coopération, on limite la capacité des enseignant.e.s à travailler sur l’empathie, sur la cohésion.
A force de faire fonctionner le système éducatif à coup d’heures supplémentaires et alors que le gouvernement intensifie encore le travail avec le pacte, le temps manque aux personnels pour le travail collectif indispensable à la lutte contre le harcèlement.
Trop d’enseignant.e.s ont le sentiment permanent de courir après le temps pour finir les programmes. Comment dans ces conditions avoir la disponibilité pour détecter, pour analyser avec les collègues et agir à temps ?
La désignation d’un.e référent.e ne répondra pas à ces enjeux. Par ailleurs, la rémunération ne donnera pas au référent ou à la référente du temps pour remplir sa mission.
Pour le Sgen-CFDT, le programme pHARe, comme la démarche Sentinelles sont intéressants dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Cependant, le déploiement du programme pHARe pose de nombreux problèmes en termes de conditions de travail.
Une nouvelle fois, c’est du travail en plus, non reconnu et des collègues initialement volontaires font défection tant la tâche et la responsabilité sont lourdes et non reconnues.
En poursuivant la logique d’intensification du travail (programmes surchargés, heures supplémentaires, pacte) en même temps qu’il demande aux personnels d’accentuer la lutte contre le harcèlement, le ministère place de fait les personnels face à des demandes contradictoires.
Lutter contre le harcèlement et traiter les situations de harcèlement suppose des équipes pluriprofessionnelles or elles sont trop souvent incomplètes.
Il serait aussi bon que le ministère pense la cohérence entre la lutte contre le harcèlement et le déploiement de la stratégie multisectorielle de développement des compétences psychosociales des jeunes et des enfants (Génération2037).
Dans la lutte contre le cyberharcèlement, nous pourrons prendre appui sur des règlements européens récents en la matière. Au-delà des associations qui gèrent les numéros verts, les associations complémentaires de l’école et les associations d’éducation populaire doivent de nouveau être mieux soutenues par l’État. Elles ont des pratiques efficaces et adaptées sur la problématique du cyberharcèlement en intégrant l’enjeu de ce qui se joue en dehors de l’école. Renforcées sur le plan financier, ces associations pourraient être davantage des appuis, des ressources pour les équipes éducatives et pédagogiques dans la prévention et la lutte contre le harcèlement.
Nous serons prêts à travailler avec le ministère pour améliorer la protection des personnels. Nous constatons nous aussi que des personnels sont victimes de campagnes de dénigrement, d’insultes, de menaces, et de fait de harcèlement en ligne. Nous avons rappelé que c’est aussi ce qui avait amené plusieurs organisations syndicales à demander audience au ministre sur les menaces que l’extrême-droite fait peser sur des enseignant.e.s et personnels de l’Éducation nationale.