Santé au travail : quelles approches et actions concrètes pour aider les personnels à vivre bien leur travail, les relations aux collègues, au management... Une expérimentation Sgen-CFDT menée à l'université d'Aix-Marseille illustre ce que peut le syndicalisme de proximité.
Au sein de la section d’Aix-Marseille Université (AMU) du syndicat Sgen-CFDT Provence-Alpes et de la section PACA et Corse du syndicat Sgen-CFDT Recherche EPST, nos discussions collectives au printemps 2022 ont fait émerger l’idée de lancer une action de communication sur la santé au travail des agents. Ce thème, commun aux secteurs public et privé, est aujourd’hui un sujet de société majeur : le travail est reconnu comme source de réalisation de soi et, plus fondamentalement, comme vecteur de santé, bonne ou mauvaise.
Une synthèse de ce travail, écrite par , a paru dans le dossier « Agir pour être bien dans son travail » du no 286 – Juillet-août-septembre de Profession Éducation, le magazine du Sgen-CFDT.
La CFDT est particulièrement sensible à la réalité des conditions de travail, et c’est aussi le cas de notre petit collectif de sections à travers la diversité de nos profils individuels. Les sections mènent un important travail d’accompagnement individuel et collectif des agents au sein d’AMU et des organismes de recherche (CNRS, INSERM, etc) sur le site d’Aix-Marseille. Ce syndicalisme de terrain a permis de développer une expertise dans l’écoute et l’analyse des situations difficiles pour lesquelles nous sommes sollicités, ainsi qu’un savoir-faire plus technique en matière d’actions de prévention ou de résolution des situations critiques. L’un d’entre nous, membre depuis de très nombreuses années des CHSCT locaux, est bien aguerri aux problématiques de travail dans l’enseignement supérieur et la recherche. Nous avons en outre collaboré avec une camarade enseignante-chercheuse sociologue d’une autre université, spécialiste du domaine de la santé au/du travail, qui nous a fait bénéficier de son expérience et des savoirs acquis.
Au cours de nos discussions préalables, est apparu le souhait de sensibiliser les agents à l’importance du sujet de la santé au/du travail, de leur proposer des réflexions qui pourraient favoriser leur prise de recul et d’ouvrir aussi des pistes d’action pour l’amélioration des situations individuelles et collectives vécues à l’université. Dans la mesure où la santé au travail est un champ fortement investi par la section, nous voulions également que cet engagement soit valorisé dans la perspective des élections professionnelles à venir – lesquelles ont d’ailleurs lieu juste avant une évolution institutionnelle majeure, celle de l’installation du comité social d’administration (CSA) et de la fin du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). CHSCT qui laisse place à la formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.
Le format mis en place est celui d’un feuilleton, avec une publication hebdomadaire adressée à l’ensemble des personnels de l’université, scandé par des rencontres-débats, mensuelles, portées par un·e conférencier·ère.
une situation à problème est toujours en lien avec l’organisation du travail, elle est le fruit de causes multiples.
Nous avons lancé en mai 2022 les épisodes de ce feuilleton,
(cf. Ressources complémentaires ci-dessous). Chaque numéro fait part d’une situation vécue par un agent, où se posent des questions en matière de bien-être ou de mal-être au travail. Le récit est conduit à la première personne et il s’inspire de cas que la section a accompagnés. Les éléments de contexte donnés sont étayés afin que la perspective soit vraiment collective et organisationnelle. Ceci nous semble très important : une situation à problème est toujours en lien avec l’organisation du travail, elle est le fruit de causes multiples. Nous souhaitons montrer la complexité et l’ambivalence de chaque cas. Nous prenons donc soin de mettre en évidence les processus organisationnels génériques qui traversent la situation exposée, car ceux-ci peuvent être identiques dans d’autres collectifs de travail, et donc devenir sources de réflexion pour des personnels qui se trouvent dans des situations similaires. Le contexte est néanmoins flouté et fictionnarisé afin de préserver l’anonymat du personnage du récit et celui de son équipe.Notre objectif est de créer le débat et la discussion, y compris entre personnes qui ne sont pas d’accord a priori, et de favoriser l’expression collective et la délibération.
Ce que nous pouvons dire à ce stade, c’est que les huit premiers épisodes publiés, entre mai et juillet, ont suscité des réactions, positives comme négatives ! Nous avons eu d’une part des témoignages de remerciement : certains agents lecteurs se félicitent que des situations critiques soient rendues visibles et que l’on ne fasse pas comme si tout allait bien à l’université. D’autres nous ont même expliqué être en mesure de mieux comprendre les difficultés de leurs collègues grâce à l’exposé des vécus dont s’inspire chaque épisode. Des réactions hostiles se sont d’autre part exprimées. La mise en exergue de ce qui ne va pas bien, ou du moins de ce qui pourrait être amélioré, heurte certaines personnes, soit qu’elles dénient la réalité de la situation, soit qu’elles déplorent que la section adopte une vision à leurs yeux « misérabiliste ». Or, nous savons que les problèmes mis en récit existent bel et bien. Notre objectif est de créer le débat et la discussion, y compris entre personnes qui ne sont pas d’accord a priori, et de favoriser l’expression collective et la délibération.
Pour nous, le pire serait l’étouffement et l’invisibilisation des problèmes rencontrés dans l’environnement réel de travail.
Malgré ces divergences, nous sommes plutôt contents des échos de la réception de notre feuilleton à ce stade. Pour nous, le pire serait l’étouffement et l’invisibilisation des problèmes rencontrés dans l’environnement réel de travail. Tout ne se passe pas comme le prévoient les dirigeants (gouvernance ou directions de structures) et, depuis leur position, ceux-ci ne perçoivent pas toujours les efforts et l’énergie déployés par les agents pour faire fonctionner une université à laquelle ils restent attachés. Nous aimons l’idée que lancer un pavé dans la mare permette de briser le silence, de faire tomber certains faux-semblants et de privilégier une concertation collective.