Campagne présidentielle 2017 : tour d'horizon de ce qui devrait être central dans les programmes, présidentiels puis de gouvernement, avec Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT.
Comment le Sgen et la CFDT se positionnent-ils dans la campagne présidentielle ?
ils combattent les idées et propositions du Front national. C’est donc libres et engagés que nous abordons la campagne en analysant les propositions des candidats à l’aune de nos valeurs : émancipation, autogestion, égalité et refus de toutes les formes de discrimination et d’exclusion, progrès pour toutes et tous. La CFDT rappelle de manière constante son attachement au dialogue social pour construire l’amélioration des conditions de travail et d’emploi, pour assurer au mieux les transitions majeures auxquelles notre société fait face, au premier rang desquelles les transitions écologiques et numériques.
: Laurent Berger l’a rappelé lors de la présentation des résultats de l’enquête « Parlons travail » : la CFDT n’a pas de candidat mais des exigences à leur présenter. Ainsi, ni le Sgen ni la CFDT n’appellent à voter pour l’un des candidats, même si, fidèles à leurs valeurs,Que pense le Sgen-CFDT des débats présidentiels actuels ?
Les affaires occupent le devant de la scène médiatique. C’est regrettable car cela accroit le discrédit du politique et la défiance. C’est déplorable car cela occulte le débat de fond. Concernant l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche, on reste souvent dans la caricature…
Des recettes tirées d’un passé fantasmé tiennent lieu de propositions pour l’avenir…
Pour l’éducation, des recettes tirées d’un passé fantasmé tiennent lieu de propositions pour l’avenir. Ce sont de faux débats qui animent les médias. L’interdiction du téléphone portable, un temps mis en avant, en est un bon exemple. Or l’inattention en classe n’a pas attendu le téléphone portable. Distraction supplémentaire possible en classe, il peut être perçu comme un élément de dégradation des conditions de travail. Cependant, avec la diffusion du byod
, avec la multiplication d’applications éducatives, de plus en plus de professeurs se servent des téléphones portables dans les apprentissages scolaires – usages raisonnés qui régulent et réorientent l’utilisation des téléphones à l’École.Quand Marine Le Pen et François Fillon invoquent l’uniforme comme outil de l’égalitarisme et de l’ordre aux côtés d’une pédagogie de la répétition des fondamentaux définis de manière étroite, on en revient à une antienne dont la critique doit continuer d’être portée. Non, l’École n’est pas le lieu du formatage ; non, l’École n’est pas le lieu de la répétition sans réflexion. L’École de la République est celle de la construction d’esprits critiques fondant leurs réflexions et raisonnements sur des connaissances maitrisées. L’École de la République doit permettre à la fois la construction du commun pour faire société, mais aussi l’émancipation et l’épanouissement d’individus au sein de la société.
Dans son programme, François Fillon souhaite multiplier les évaluations notées des élèves dès l’école élémentaire. Penser que les enseignants manquent d’informations pour adapter leurs pratiques aux besoins des élèves révèle une méconnaissance de leur travail et sous-tend un projet d’orientation précoce que ne renie pas le Front national. Quand cet attachement maladif à la notation chiffrée et aux évaluations standardisées nationalement dès les petites classes est connecté à une idéologie des talents, au dépistage précoce et à l’orientation vers un pan du système de formation sorti de l’Éducation nationale (un enseignement professionnel régionalisé et ne passant que par l’apprentissage), c’est un projet de société inégalitaire, c’est le projet d’une école du tri qui se dessine. Ce n’est pas le projet du Sgen-CFDT.
Comment proclamer que l’École républicaine doit être le socle de l’intégration tout en proposant, comme Marine Le Pen, de rendre l’école publique payante pour les enfants étrangers ? ou en prévoyant de développer et de financer sur budget de l’État les écoles privées hors contrat, tout en ayant refusé des mesures renforçant leur contrôle par l’Éducation nationale ? C’est bien une forme de communautarisme et d’entre-soi qui serait ainsi encouragée. Les débats de fond commencent à peine à se frayer un chemin dans la campagne.
Quels sont les dossiers que le Sgen-CFDT juge essentiels ?
L’autonomie des équipes doit être un axe de débat et de construction des futures réformes.
Au Sgen-CFDT, nous considérons que l’autonomie des équipes doit être un axe de débat et de construction des futures réformes. Nous ne pensons pas l’autonomie des établissements comme étant l’extension du pouvoir des chefs d’établissement. Par exemple, croire que l’autonomie c’est le pouvoir de recruter les enseignants est pour nous à côté du sujet. Premièrement, ce n’est pas opérationnel : empêche-t-on ensuite chef et enseignants de muter ? Oblige-t-on les enseignants à suivre le chef qui mute ? Pour nous, penser l’autonomie des écoles et des établissements du second degré, de l’enseignement agricole public et de l’enseignement supérieur, c’est penser l’autonomie des équipes, des collectifs de travail. C’est penser les marges horaires, les marges budgétaires, les marges pédagogiques dont ces collectifs disposent, et la nature du cadrage national pertinent pour que tous concourent à atteindre les objectifs de formation et d’intégration qui leur sont assignés (voir Profession Éducation no 251).
Le système éducatif a besoin de temps pour que les réformes puissent produire les effets attendus.
Là où certains proposent de revenir sur la loi de refondation et sa mise en œuvre (réformes des rythmes et du collège notamment), nous considérons que le système éducatif a besoin de temps pour que les réformes puissent produire les effets attendus. Il faut aussi prendre le temps d’évaluer ces réformes. Or les études Pisa ou Tims publiées cet hiver portent sur des cohortes d’élèves n’ayant pas connu ces réformes. D’autres études publiées ou à venir confortent les orientations prises par le système éducatif. Pour le Sgen-CFDT, il faut prendre en compte les rapports de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), de l’Institut français de l’éducation (IFE), du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), des inspections générales et des différents comités de suivi, les confronter, en tirer des mesures d’amélioration progressive.
Le système éducatif repose sur le travail de l’ensemble des personnels. Alors que les emplois d’administratifs avaient été les premiers supprimés entre 2007 et 2012, on en a peu recréé et le travail des personnels dans les services déconcentrés comme à l’administration centrale s’est intensifié au fur et à mesure que les populations d’élèves et de personnels augmentaient. Les personnels d’inspection et de direction sont confrontés aussi à cette intensification, d’autant qu’ils sont en première ligne dans la mise en œuvre des réformes éducatives.
Il faut continuer à améliorer les services sociaux et de santé scolaire. Si la loi de refondation y engage, trop de postes ne sont toujours pas pourvus. Il faut y attirer de nouveaux et nouvelles collègues en améliorant la reconnaissance des personnels mais aussi en développant la découverte de ces missions pendant la formation à l’université et dans les instituts, et en en faisant la publicité auprès des étudiants.
Les enjeux de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui fait face à une croissance des effectifs étudiants sont trop peu abordés : quels financements pour assurer de bonnes conditions d’étude et de travail ? Comment mieux équilibrer fonds propres et financements sur projet pour permettre de construire l’avenir et pour réduire la précarité, en particulier pour tous les contractuels sur projet de recherche qui sont employés et réemployés projet après projet sur des missions similaires sans accéder à des contrats en CDI ou à la titularisation ?
Du côté du ministère de la Jeunesse et des Sports, la tendance à se soucier prioritairement du sport de haute performance d’un côté et à la mission nouvelle de repérage et de lutte contre les formes de radicalisation de l’autre se double d’une décentralisation sur fond de réforme territoriale, menée parfois sans dialogue social local. Les personnels de la jeunesse et des sports ont urgemment besoin de visibilité quant à leur devenir et quant au sens de leurs missions sans négliger les différentes formes de pratique sportive et de vie associative.