Statut, rémunération, retraite, temps de travail, maladie... les attaques contre les fonctionnaires se multiplient. La CFDT rappelle, chiffres à l'appui, quelques vérités qui contredisent des stéréotypes malheureusement trop courants sur la fonction publique.
Il faut cesser de considérer les fonctionnaires, et les politiques publiques qu’ils sont chargés de mettre en œuvre, comme un poids sur le budget de l’État et des collectivités. Les uns comme les autres sont un investissement en termes, par exemple, de cohésion sociale, de développement économique et de sécurité.
Quant au statut de « fonctionnaire » souvent remis en cause, il est avant tout protecteur de l’État, des collectivités et des citoyens. En quelques mots, il est le moyen de garantir la continuité de l’État et des services publics. Par les obligations faites aux fonctionnaires, le statut permet d’assurer la neutralité et l’impartialité des services publics ainsi que leur présence sur le territoire, notamment dans les régions les moins attractives.
IL Y A TROP DE FONCTIONNAIRES EN FRANCE
Cette idée est démentie par les données chiffrées publiées par plusieurs organismes (OCDE, Insee). Dans certains pays de l’OCDE, le ratio nombre de fonctionnaires/population active est supérieur au nôtre. C’est le cas au Canada, au Royaume-Uni ou encore en Suède, pourtant souvent citée en exemple pour la réduction du nombre de ses fonctionnaires.
Avec 80 fonctionnaires pour 1 000 habitants, la France n’est pas le pays de l’Union européenne avec le plus de fonctionnaires par habitant.
À titre de comparaison, il y en a 145,4 au Danemark, 129,4 en Finlande (70 aux États-Unis). En France, les fonctionnaires représentent environ 8 % de la population totale et 20 % de la population active. De plus, il est important de rappeler que la France a une démographie particulière en Europe : le pays est grand, la densité de population est peu élevée et il n’y a pas de désert de population. En conséquence, il est nécessaire de déployer des services publics sur tout le territoire et parfois pour un nombre réduit de personnes [1].
Par ailleurs, au-delà des chiffres globaux, il faut aussi regarder les conséquences concrètes d’une diminution des effectifs.
Dans la fonction publique d’État, le nombre de fonctionnaires a véritablement diminué. Seulement, par un effet domino, cette diminution a provoqué une augmentation dans les collectivités territoriales.
LES RETRAITES DES FONCTIONNAIRES NE SONT PAS ALIGNÉES SUR CELLES DES SALARIÉS DU PRIVÉ
Avec les lois de 2003 et de 2010, l’âge légal de départ à la retraite (62 ans), la durée d’assurance nécessaire
pour ne pas avoir de décote (42 annuités), l’âge maximum pour annuler la décote (67 ans), le montant de la retenue pour pension (taux porté progressivement à 11,10 % en 2020) ainsi que le calcul de la décote et de la surcote sont strictement identiques pour les fonctionnaires et les salariés du privé.
LES PENSIONS DE RETRAITE SONT PLUS AVANTAGEUSES
Pour les fonctionnaires, la pension s’élève à 75 % du traitement perçu pendant les six derniers mois alors que pour les salariés du privé elle est de 50 % sur la moyenne des salaires perçus pendant les 25 meilleures années. Ce mode de calcul semble avantager largement les fonctionnaires. Toutefois, tel n’est pas le cas dans les faits.
En effet, le taux de remplacement – rapport entre le montant de la première pension et le montant du dernier mois de la rémunération salariale – est de 72,1 % pour les fonctionnaires et 73,8 % pour les salariés du privé (personnes nées en 1946 ayant une carrière complète). Pourquoi cela ? D’une part, parce que le calcul de la pension des fonctionnaires ne prend pas en compte les primes (plus de 22 % du traitement brut en moyenne) et, d’autre part, parce que les fonctionnaires n’ont pas de régime complémentaire à la différence des salariés du privé (Arrco-Agirc).
À noter : les agents publics ne perçoivent aucune prime de départ à la retraite. Les contractuels de la fonction publique relèvent du régime général et bénéficient d’une retraite complémentaire (Ircantec).
LES FONCTIONNAIRES PARTENT PLUS TÔT EN RETRAITE
Depuis le rapprochement des règles entre les fonctionnaires et les salariés du privé, l’âge moyen de départ en retraite tend à être le même : 61,1 ans dans la fonction publique d’État, 61,8 ans dans la territoriale, 59,8 dans l’hospitalière et 62,3 ans pour les salariés relevant du régime général. Toutefois, pour être plus précis, il faut distinguer les fonctionnaires « sédentaires » des agents classés en catégorie dite « active ».
Il est vrai que ces derniers partent plus tôt (à partir de 52 ou 57 ans). Néanmoins, le pourcentage de fonctionnaires partant à la retraite en bénéficiant de ce système diminue : il est passé de 37 % en 2004 à 27 % en 2012. C’est dû notamment au fait que les professeurs des écoles (anciennement les instituteurs) ne bénéficient plus de la catégorie active. Et cette proportion va encore baisser depuis que les infirmiers classés en catégorie A ne bénéficient plus de ce dispositif.
En conséquence, pour une juste appréciation des réalités, il faut regarder l’âge moyen de départ en retraite selon la catégorie active ou la catégorie sédentaire.
La catégorie « active » est un dispositif de compensation de la pénibilité pour des fonctions présentant, à l’évidence, des risques particuliers de dangerosité ou des fatigues exceptionnelles. Il s’agit entre autre des policiers, gardiens de prison, égoutiers, aides-soignants, sapeurs-pompiers professionnels, contrôleurs aériens, douaniers, etc. À l’inverse du secteur privé, le Compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) n’est pas applicable dans la fonction publique.
La catégorie sédentaire correspond à ceux qui n’appartiennent pas à la catégorie active.
LES COMPLÉMENTAIRES SANTÉ NE SONT PAS PRISES EN CHARGE PAR LES EMPLOYEURS PUBLICS
Depuis le 1er janvier 2016, tous les employeurs privés doivent prendre en charge au moins 50 % de la cotisation à une couverture complémentaire santé. Mais cette obligation ne s’applique pas aux employeurs publics.
Ni les fonctionnaires, ni les contractuels ne bénéficient d’une réelle aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire en santé et en prévoyance. Certains employeurs participent au financement de la protection sociale complémentaire, mais cette participation ne représente, en moyenne, que 3 % des cotisations payées par les agents. Ainsi, pour plus de la moitié des agents publics, la participation ne dépasse pas 6 euros par an et par agent. Par ailleurs, les cotisations n’ouvrent droit à aucun avantage fiscal.
LES AGENTS PUBLICS SONT MIEUX PAYÉS QUE LES SALARIÉS DU PRIVÉ
En moyenne, entre la fonction publique et le secteur privé, il n’y a pas de différence. En revanche, il y a de grands écarts entre les trois fonctions publiques. Notamment parce que dans la fonction publique d’État, les fonctionnaires relèvent de la catégorie A (enseignants, cadres, etc.) pour plus de 55 %, alors qu’inversement, dans la fonction publique territoriale les 3/4 des agents appartiennent à la catégorie C.
En conséquence, s’agissant des rémunérations, tout comme pour le temps de travail, il n’est pas possible d’avoir une appréciation correcte de la situation en se basant uniquement sur une moyenne globale. Par ailleurs, dans la fonction publique, l’évolution salariale peut être en partie bloquée pour l’intégralité des agents, comme ce fut le cas avec le gel du point d’indice entre 2010 et 2016.
IL EXISTE DES INÉGALITÉS PROFESSIONNELLES ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
Dans la fonction publique 62 % des agents sont des femmes contre 46 % dans le secteur privé. L’écart de salaire moyen entre les femmes et les hommes est de 12 % contre 19 % dans le secteur privé. Malgré le statut qui tend à uniformiser les grilles de rémunération, les femmes agents publics restent pénalisées.
Dans plus de 4 cas sur 5, l’écart de rémunération selon le sexe peut être expliqué essentiellement par la différence de durée de travail (temps partiel choisi notamment), et par la répartition dans les catégories, les ministères, les filières, les corps, les grades et les professions, en défaveur des femmes. Comme dans le privé, les maternités peuvent avoir un impact négatif sur l’attribution de promotions et l’accès à des postes à responsabilité.
LES FONCTIONNAIRES ONT LA GARANTIE DE L’EMPLOI À VIE
La loi et le règlement organisent leur statut.
En conséquence, la situation des fonctionnaires n’est pas régie par un contrat de travail, à la différence des contractuels (20 % des effectifs de la fonction publique) et des salariés du privé. Seuls la loi et le règlement organisent leur statut.
Toutefois, ils peuvent être licenciés pour insuffisance ou faute professionnelle sans indemnisation.
Les fonctionnaires ne sont pas « propriétaires » de leur emploi mais uniquement de leur grade. Le fonctionnaire conserve son grade, c’est-à-dire sa carrière et sa rémunération. Mais sa hiérarchie peut, à tout moment, modifier l’emploi et le lieu de travail sur lequel le fonctionnaire a été nommé.
Elle peut aussi décider de la suppression de cet emploi.
Dans ce cas, l’employeur doit proposer un nouvel emploi correspondant au grade détenu. C’est le principe de la « séparation du grade et de l’emploi ».
LE STATUT DE FONCTIONNAIRE NE SERT À RIEN
Ce statut a été conçu pour répondre aux besoins d’adaptation du service public et de déploiement des fonctionnaires sur tout le territoire. Le principe de la « séparation du grade et de l’emploi » permet aux décideurs publics de modifier le lieu de travail et les fonctions d’un agent avec beaucoup de souplesse (alors qu’en droit privé ce sont des éléments déterminants du contrat de travail).
Par exemple : récemment, 8 000 agents des administrations déconcentrées de l’État ont été concernés par une fusion de région. Parmi eux, en à peine un an, 2 000 ont changé de fonction et 400 de lieu de travail, soit un total de 30 % des effectifs. Une telle rapidité sur un aussi grand nombre d’agents n’est possible qu’en vertu du statut.
Ce statut, et notamment la garantie de l’emploi, sert aussi à protéger les fonctionnaires contre tout type de pressions venant aussi bien d’un supérieur, d’un élu que d’un usager.
L’indépendance des fonctionnaires existe au bénéfice de l’égalité de traitement du service public. Cela ne concerne pas que les fonctions dites régaliennes (police, justice, impôts, etc.). Toute fonction de contrôle (ex : respect des normes handicap), d’instruction (ex : permis de construire), de délivrance d’aides, d’accueil du public, etc. exige un traitement égal et donc l’indépendance de celui qui l’exerce.
LA DURÉE LÉGALE DU TRAVAIL EST LA MÊME POUR LE PRIVÉ ET POUR LE PUBLIC
La durée légale de travail est de 1 607 heures pour les salariés comme pour les fonctionnaires et les contractuels.
Cette durée a été adaptée pour tenir compte de certaines contraintes comme le travail de nuit, le week-end, etc.
Un certain nombre d’agents, dont les cadres encadrants, sont au forfait jours. Dans la réalité, ils travaillent souvent bien au-delà des 35 heures, sans être rémunérés pour autant en heures supplémentaires. 36,7 % des agents de la fonction publique travaillent, même occasionnellement, le dimanche et les jours fériés (contre 25,8 % dans le secteur privé), 17,5 % travaillent la nuit (contre 14,5 % dans le secteur privé).
Ces obligations professionnelles sont la conséquence directe des obligations de service public. Elles ont essentiellement été compensées non pas par de la rémunération mais par une réduction du temps de travail.
LES FONCTIONNAIRES SONT PLUS SOUVENT ABSENTS POUR MALADIE
D’après l’enquête Conditions de travail 2013 publiée dans le Rapport annuel de la fonction publique 2016, les agents publics sont plus nombreux à se trouver en arrêt maladie, mais les arrêts des salariés du privé sont plus longs.
Cependant, cette comparaison n’a pas de sens. Il faudrait pouvoir tenir compte de la particularité des emplois, du vieillissement de certains effectifs et des conditions d’exercice difficiles dans certains secteurs. De plus, certains métiers de la fonction publique sont bien plus exposés aux foyers de maladie (personnels hospitaliers, enseignants, professionnels de la petite enfance, etc.).
LA FONCTION PUBLIQUE COÛTE TROP CHER À LA NATION
En juillet 2016, une étude [2] a comparé la dépense publique française avec un groupe de pays témoins (Allemagne, Royaume-Uni, Finlande, etc.). Si la dépense publique moyenne de ces pays est de 51 % du PIB et celle de la France est de 57,5 %, cette étude va plus loin en identifiant les postes de dépenses qui justifient cet écart.
Les dépenses de fonctionnement, rémunérations comprises, des administrations publiques sont de 1,2 point de PIB inférieures en France que dans le groupe de pays témoins (« La France a des dépenses de fonctionnement, qui englobent à la fois les rémunérations directes et les consommations intermédiaires, plus basses que celles du groupe témoin »).
L’essentiel de la différence entre la France et le groupe témoin est dans les dépenses de vieillesse et les dépenses de logement (aides à la pierre et aides personnelles au logement).
alors…
Les fonctionnaires coûtent-ils trop cher ?
Y en a-t-il trop ?
Au lieu de répondre dogmatiquement à ces questions, le véritable enjeu, notamment à l’occasion de l’élection présidentielle, est de se demander collectivement quelle action publique voulons-nous et quelles finalités souhaitons-nous atteindre en matière de développement, de cohésion, de sécurité ou encore d’éducation.
Cela implique des moyens humains et financiers qu’il faut politiquement et concrètement mobiliser.
Ils sont la nécessaire traduction de nos choix démocratiques.
Les données chiffrées de ce VRAI/FAUX sont extraites du Rapport annuel sur l’état de la fonction publique (DGAFP), des publications du Conseil d’orientation des retraites (COR) et de l’Insee.
[1] L’Égalité des territoires, une passion française, Philippe Estèbe, p. 9 à 12, Presses Universitaires de France, Paris, avril 2015.
[2] Dette, déficit et dépenses publiques : quelles orientations ?, France stratégie (institution publique d’expertise auprès du Premier ministre), juillet 2016.