La crise en cours met un coup de projecteur sur l'exercice du travail à distance. La très grande majorité des personnels se retrouve du jour au lendemain à exercer à domicile et à temps plein.
Le travail lui-même est bousculé tout comme la dimension collective des missions, le travail d’équipe, le lien avec les collègues. Les moyens et les outils mis à disposition par l’institution pour travailler à distance sont eux aussi largement interrogés.
Distinguer travail à distance et télétravail
On parle de travail à distance ou de télétravail sans toujours bien les différencier. Il existe pourtant une distinction entre ces deux termes. En effet, le télétravail est une des formes du travail à distance. Il est basé sur accord entre un agent et son l’employeur et établit sur la base du volontariat.
Le télétravail a un cadre, c’est bien tout le contraire de ce que vivent aujourd’hui de nombreux personnels dans cette période de confinement. Ces cadres protègent la santé de l’agent et la qualité de son cadre de travail personnel et celui de son équipe. Utiliser à tort ce terme aujourd’hui, c’est faire penser que travailler à domicile va de soi, que ce pourrait être un avantage mais surtout que l’on pourrait faire exactement la même chose que lorsqu’on est sur son lieu de travail.
Ne pas se culpabiliser de ne pas travailler à la hauteur de ce que l’on fait habituellement…
La situation actuelle, laisse à penser que l’usage du numérique suffit à transposer chez soi son travail habituel. Il n’en est rien. L’admettre, c’est accepter la situation exceptionnelle et ne pas se culpabiliser de ne pas travailler à la hauteur de ce que l’on fait habituellement. La seule priorité actuelle est la santé. Ensuite, chacun fait au mieux pour poursuivre ses missions de service public et contribuer à la solidarité nationale.
En contrepartie, l’expérience à grande échelle d’un travail improvisé à distance permet d’enrichir la perception de ce qu’il faut pour un télétravail réussi et de mesurer l’immense chemin qui reste à parcourir pour cela.
Actuellement, le télétravail au sens strict n’existe que dans les services déconcentrés des académies, à l’administration centrale et dans des établissements du supérieur.
Analyser ce que nous vivons sous l’angle du télétravail
Explorons quelques principes du télétravail qui mettent en valeur ce qui peut être très compliqué, voire mettre en danger, les agents dans l’exercice de leur travail à distance en confinement.
- Le télétravail est un mode d’organisation choisi par l’agent. En confinement le travail à distance est subit.
- Le télétravail est limité à 2 ou 3 jours par semaine. C’est une garantie de ne pas avoir trop de risque d’isolement. Aujourd’hui c’est à plein temps que nous travaillons à distance
- En télétravail, les horaires sont cadrés. En ce moment, le cadre peut être adapté selon les services mais il est surtout laissé à l’appréciation de la personne ; Il est facile de déborder de son temps de travail. Pour ceux qui ont des enfants, une famille, il faut gérer la scolarité des enfants en parallèle, la préparation des repas…
- En télétravail, on a un espace dédié (qui peut être ailleurs qu’au domicile), avec des outils fourni par l’employeur, une connexion dont a vérifié le débit. Dans cette période, chacun aménage son lieu de travail comme il le peut, utilise dans de nombreux cas son matériel personnel, voire le partage au cours de la journée avec d’autres.
- Le télétravailleur est formé aux outils, à son poste de travail. En ce moment, chacun fait comme il peut avec les moyens du bord ; beaucoup d’enseignants doivent se débrouiller pour s’auto former aux outils en lignes, aux plateformes permettant d’échanger avec les élèves. Il est vrai qu’on assiste à marche forcée à de l’auto formation !
- Dans une démarche de télétravail, on identifie les tâches qui peuvent être télétravaillées. Dans les missions de l’agent tout ne peut pas toujours être fait à distance. Mais en général, dans des services académiques, les agents ont des tâches qui peuvent être réalisées à distance pour peu que les moyens soient en place. Il s’agit collectivement de regarder ce qui peut l’être. L’agent sait ce qu’il fait d’un côté et de l’autre. Actuellement, certains ont les moyens de faire à distance et d’autres non. Certains collègues nous disent qu’ils se sentent inutiles en la période. D’autres qui culpabilisent de ne pas pouvoir tout faire. Beaucoup sont sous pression.
Le télétravail nécessite la définition d’un cadre négocié et un équipement de qualité fourni par l’employeur…
Toutes les académies ne se sont pas emparées du décret de 2018 ouvrant la possibilité de mettre en œuvre le télétravail. Certaines commencent à peine des expérimentations et encore peu d’agents peuvent en bénéficier. La capacité des académies et des établissements du supérieur à assurer la continuité administrative se mesure à l’aune des accords mis en place. Demain, nous devrons en tirer les leçons pour poursuivre la mise en place du télétravail. Un télétravail qui réponde autant à la qualité de vie des personnels qu’aux nécessités du service public.
Le télétravail nécessite avant tout des moyens pour fournir un équipement de qualité aux agents, des connexions sécurisées qui permettent d’accéder à toutes ses applications et à la téléphonie exactement de la même manière qu’on peut le faire au bureau. Aujourd’hui certaines structures autorisent en masse le télétravail mais sans tous les moyens nécessaires, cela limite l’accès au télétravail sur certaines missions, et pour certaines catégories de personnels. On peut vérifier la qualité d’accord de télétravail au fait que les catégories C comme les B comme les A puissent y accéder. Demain, nos ministères devront dégager de vrais moyens pour le télétravail.
Le télétravail nécessite de faire confiance aux agents, de changer l’organisation de l’équipe de travail pour trouver un équilibre collectif, pour collaborer à distance. La période actuelle permet d’inventer des modes de mises en relation, il sera intéressant d’en faire une analyse.
Le Sgen-CFDT revendique la mise en place du télétravail depuis plusieurs années et a obtenu des avancées dans certains lieux de travail. Là où il est en place le télétravail rencontre un franc succès. Pour peu qu’il soit bien cadré et accompagné de précautions notamment en termes de temps de travail et de risque d’isolement, le télétravail est plébiscité par les agents. Il permet avant tout à celui qui en bénéficie de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle.
Nous ne le dirons jamais assez, comme sur tous les sujets de la vie au travail, la mise en place du télétravail se fait d’autant mieux que sa mise en place est conduite avec le dialogue social nécessaire, en comité technique comme en CHS-CT.
Témoignez de votre vécu :
Le travail à distance est vécu diversement, ne serait-ce que parce qu’il est effectué sur la totalité de la semaine, dans un contexte où la distinction avec la sphère privée se confond fortement avec la sphère professionnelle, notamment lorsque l’on garde ses enfants.
Certains pratiquaient déjà le télétravail, d’autres découvrent le travail à distance, s’y habituent, plus ou moins facilement avec un équipement et des outils plus ou moins adaptés.
Dans ce contexte, la CFDT s’associe au projet « Mon travail à distance, j’en parle ! », cette plateforme vous permet de témoigner de votre vécu et d’engager des débats sur la manière dont votre employeur organise le travail à distance, dont vous aménagez votre travail au quotidien… notamment via une enquête en ligne.
Pour aller plus loin :
- FAQ Covid-19 : vos questions, des réponses
- Reprises post confinement : à préparer avec délicatesse
- Collège et lycée : quels objectifs, quelle organisation de la fin d’année scolaire ?
- Bac et examens : penser aussi à l’après
- Télétravail en temps de crise
- Continuité pédagogique : savoir raison garder
- Continuité pédagogique, vacances, le ministre doit réorienter ses exigences – Lettre commune
- De la continuité administrative à l’éducation nationale…
- Être CPE en période de confinement