Depuis le 16 mars, la très grande majorité du personnel doit travailler à distance. Cette organisation de crise diffère du "télétravail" négocié.
« Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux de son employeur sont réalisées hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication ». (art.2 du décret du 11 février 2016).
Une pratique à la marge avant la crise sanitaire de mars
La CFDT a été pionnière dans la reconnaissance et la promotion du télétravail comme forme possible d’organisation du travail alternative dans les entreprises privées et dans la fonction publique. Ce sujet était, est et sera un véritable enjeu syndical.
Les responsables politiques tout comme les médias ont été depuis deux semaines d’ardents promoteurs de cette formule. Avant ce mois de mars si singulier, le recours au télétravail était une pratique marginale : le taux de télétravailleurs.euses variait de 2 à 6 % pour le télétravail négocié (accord ou avenant au contrat de travail) et entre 16 % et 20 % pour le télétravail dit « informel ». Un pourcentage 2 à 3 fois inférieur à celui des pays scandinaves et anglo-saxons.
Ce faible score montre l’existence en France de fortes résistances à sa généralisation. Le MAA est dans la moyenne nationale. Il comptait en 2017, 305 agents déclarés bénéficiant du télétravail. En 2018, ce nombre a doublé. Pour la CFDT, cette évolution va dans le bon sens.
Parlons télétravail !
Parler du télétravail, c’est parler du télétravailleur, de la télétravailleuse et des collègues qui sont dans son service quand il travaille à domicile. C’est parler de lui ou d’elle mais aussi de son encadrement. C’est parler du manager qui encadre des télétravailleurs.euses.
Parler du télétravail invite naturellement à parler de l’organisation du travail. Et dans ce domaine, beaucoup de contre-vérités sont dites. Tous les salarié.es ne sont pas fait.es pour le télétravail. Leurs missions peuvent ne pas s’y prêter, leur personnalité également.
Négocier un accord pour contractualiser les droits et devoirs de chacun
La crise actuelle le montre bien. Le télétravail prive de liens sociaux son bénéficiaire.
Le télétravail demande à l’agent qui le met en œuvre de l’autonomie, de la rigueur, des capacités d’organisation, une mise à disposition d’un équipement adapté. Idéalement, le télétravailleur.euse devrait pouvoir s’isoler à son domicile et créer un espace privatif de travail où il sera au calme. On bute ici sur une limite : la superficie du logement qui en zone urbaine est limitée et onéreuse à l’achat ou à la location.
Le télétravail s’appuie également sur la confiance progressivement bâtie entre le chef de service et ses subordonnés. Pour la CFDT, cette confiance ne peut faire négliger l’importance de pouvoir négocier un accord télétravail, c’est-à-dire poser des règles qui vont permettre à l’ensemble de la communauté de travail concernée de contractualiser les droits et devoirs de chacun.
Au MAA, 632 accords (609 accords en 2017) ont été signés. Ces accords sont avant tout la manifestation d’une solution gagnante-gagnante construite entre l’administration et ses agents.
Quel est l’intérêt d’avoir des règles collectives ?
Pour les salarié.es, la formalisation de règles collectives, via un accord, est une garantie contre l’arbitraire. Le recours au télétravail à l’amiable n’est pas protecteur.
- Le.la responsable n’a pas à motiver son refus. Il.elle peut être tenté.e de donner son accord (ou non) de manière arbitraire.
- Un accord oral passé avec son chef de service peut compliquer, pour l’agent, la preuve de son activité en télétravail. Sans filet de sécurité, il pourrait se voir reprocher de ne pas avoir été autorisé à travailler à distance et être sanctionné pour absence injustifiée.
- La reconnaissance de la réalisation d’éventuelles heures supplémentaires parait problématique tout comme un accident du travail.
Les employeurs ont aussi intérêt à formaliser des règles. Construire collectivement un cadre commun pour organiser le télétravail permet répondre aux besoins du service, aux attentes des personnels en posant des garde-fous : les risques de recours au contentieux sont diminués.
Pour la CFDT, il faut privilégier la négociation d’un accord collectif. A défaut, inciter l’employeur à élaborer une charte sur le télétravail.
Le télétravail au MAA : 5 principes à respecter
La mise en place du télétravail au MAA faisait l’objet d’une note de service (NS) SG/SRH/SDDPRS/ 2016-664, datant du 11 août 2016.
L’instruction technique SG/SRH/SDDPRS/2019-781, publiée le 21 novembre 2019 abroge cette circulaire. Elle vient préciser les nouvelles modalités d’application du télétravail au MAA (notamment celles concernant le logiciel Chorus) et complète le guide d’application diffusé par la DGAFP en mai 2016.
Cinq principes généraux organisent le télétravail au MAA :
- Le télétravail est volontaire et soumis à accord : il ne peut pas être imposé à l’agent et réciproquement, il ne peut pas être obtenu par l’agent sans l’accord de son supérieur hiérarchique. La situation de télétravail fait obligatoirement l’objet d’un accord formalisé par un acte individuel.
- Le télétravail est programmé et régulier : les jours télétravaillés sont planifiés en fonction, notamment, des besoins du service et précisés au sein de l’acte individuel.
- Le télétravail est réversible : l’administration ou l’agent peuvent décider à tout moment de mettre fin au télétravail de façon unilatérale, sous réserve du délai de prévenance.
- Le lien entre l’agent et sa communauté de travail doit être maintenu : l’agent dispose toujours de son bureau au sein de son service.
- Le télétravailleur a les mêmes droits et obligations que les autres agents. Le fait d’être ou de ne pas être en situation de télétravail ne saurait constituer un élément d’appréciation de l’agent. Le calcul de la charge de travail, les résultats attendus et les délais d’exécution sont déterminés en suivant les mêmes méthodes que celles utilisées pour les travaux effectués sur site.
La durée de l’autorisation de télétravail est d’un an maximum. Elle peut être renouvelée.
Avantages et inconvénients du télétravail
L’actuelle mise en œuvre du télétravail, qui est en fait « un travail improvisé à distance » reflète imparfaitement son intérêt et ses limites.
Hors période de crise, le télétravail permet de réduire le stress et la fatigue des agents.
Les télétravailleurs.euses bénéficient d’un cadre de travail plus souple et de temps de trajets réduits. Il a aussi un effet positif sur le niveau de la pollution, il contribue à la réduction des embouteillages et à la décongestion des transports en commun. Il peut aussi permettre de faciliter les capacités de concentration des agents, du fait de sollicitations moindres.
L’actuelle mise en œuvre du télétravail est en fait « un travail improvisé à distance »…
La mise en place du télétravail présente aussi des difficultés potentielles.
Celles-ci concernent tant l’agent (isolement social et professionnel, difficultés de gestion du temps et d’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, stress résultant d’objectifs mal dimensionnés…) que le service (impact sur le collectif de travail). L’expérience montre que certains agents ont tendance à pratiquer des horaires plus longs et atypique. Ils n’en tirent pas forcément une meilleure conciliation avec leur vie personnelle.
Pour objectiver les bénéfices de cette pratique, une étude de la DARES montre que travailler à distance implique un isolement du collectif de travail : les télétravailleurs les plus intensifs (2 jours par semaine ou plus) peuvent moins compter sur l’aide de leurs collègues et de leur hiérarchie. Les télétravailleurs sont plus souvent confrontés à des changements d’organisation importants dans leur établissement, qui se traduisent par un sentiment plus important d’insécurité. Au final, les télétravailleurs ne sont ni plus ni moins satisfaits de leur travail que leurs collègues.
Un nouveau guide en ligne
Le guide du management à distance en situation exceptionnelle, rédigé (en 48 h !) par la direction générale de la région Grand-Est, vient d’être diffusé. Cette ressource est née d’une interrogation sur les pratiques de télétravail à mettre en place dans la situation exceptionnelle que connaît le pays.
Son objectif est de fournir aux encadrants et aux agents des repères pratiques pour travailler à distance dans une situation de crise. Ce guide est structuré en 4 chapitres. Les deux premiers portent sur le management et la communication en situation exceptionnelle et sur le management à distance dans le cadre du télétravail. Le 3e présente diverses approches pour un télétravail efficace pour les collaborateurs.
Le 4e chapitre concerne le retour d’expérience, et il nous rappelle que, dans le cas présent, la « situation exceptionnelle » de travail que nous connaissons est la conséquence d’une crise que l’on peut qualifier de fondamentale (non prévisible et non contrôlable du fait d’une absence de connaissance sur la réponse à apporter).
Le message de la CFDT en ce temps de crise
Le dialogue social et l’activité syndicale sont des voies d’action évidentes pour aider notre système à être résilient ; c’est-à-dire à s’adapter à un contexte en évolution, à absorber des chocs soudains et à retrouver un équilibre tant en préservant la continuité des activités essentielles.
Chacun fait selon ses possibilités et il n’y a pas matière à culpabiliser ou à se surmener…
La CFDT s’investit pleinement dans la période et invite les agents du MAA, quelle que soit leur position hiérarchique, à être conscients que les missions administratives, techniques, d’enseignement et de formation, de recherche (et autres..), ne pourront pas être conduites à l’identique durant les semaines à venir.
Le mode actuel de travail est dégradé par la force des circonstances.
Chacun fait selon ses possibilités et il n’y a pas matière à culpabiliser ou à se surmener. A cet égard, les chefs de service, les directeurs, les cadres doivent rassurer au mieux l’ensemble des personnels dans l’exécution de leurs missions (aujourd’hui et demain). La CFDT appelle chacun à faire preuve de bienveillance, de solidarité et de se protéger en respectant les consignes données par le ministère et le gouvernement (gestes barrière, confinement…).