Territoires éducatifs, pour quoi ? L’enfant, le jeune évoluent dans un territoire où de nombreux·ses acteur·trice·s vont intervenir pour l’aider à construire son parcours éducatif et, ainsi, devenir un·e citoyen·ne responsable. Pour le Sgen-CFDT, tout dépend des alliances éducatives créées...
Dans « Territoires éducatifs, quels enjeux ? », dernier dossier de Profession Éducation (no 290 – Mars-avril 2023) des élues et responsables associatives (cf. ci-dessous Ressources complémentaires) ont témoigné de la volonté sociale et politique d’intégrer l’École dans un réseau de compétences territoriales de nature variée pour mener des actions locales éducatives adaptées aux besoins, évaluées et renouvelées. Vous trouverez ici la version intégrale de ces entretiens. Territoires éducatifs
, première adjointe au maire de Montpellier, chargée de l’éducation, rappelle l’angle adopté par sa municipalité pour mettre en place une politique de territoire éducatif.
Le Maire de Montpellier a fait de l’éducation l’une des priorités de son mandat. Il s’agit pour cela de travailler les relations que la Ville peut nouer avec les enfants et de tout faire pour les voir grandir sereinement dans leur environnement. Politique qui s’est traduite dans un travail participatif appelé École 2030. Il s’agit de regarder le « décor » qui permet la réussite éducative de l’enfant. On a un projet éducatif territorial (PEDT) assez ambitieux dont tous les acteurs peuvent se saisir. Territoires éducatifs
Pour vous, qu’entendre par territoires éducatifs ?
Ce sont des partenaires qui œuvrent ensemble à la réussite de l’enfant, à la construction de son parcours éducatif et, plus largement, de son parcours de vie. Les enfants s’élèvent sur un temps large et trop souvent les différents acteurs fonctionnent en silos, avec peu de liant ou de liens entre les temps. Notre objectif est donc de permettre une dynamique, une cohérence de ces parcours éducatifs. Ce sont les alliances éducatives qui participent à l’éducation dans une Ville et l’idée est d’en créer les conditions. La Ville a certes des compétences propres (budget des écoles, bâti scolaire, temps pédagogique en dehors du temps scolaire), mais on ne peut penser cela de façon unilatérale. Il faut au contraire de la concertation, de la co-construction avec les partenaires.
Les enfants s’élèvent sur un temps large et trop souvent les différents acteurs fonctionnent en silos, avec peu de liant ou de liens entre les temps. Notre objectif est donc de permettre une dynamique, une cohérence de ces parcours éducatifs.
Des exemples ? Territoires éducatifs
La création de cours d’école dégenrées, végétalisées a été pensée pour créer des agoras permettant aux enfants de se rassembler, rendant aussi les temps de pause méridienne et de retour en classe plus calmes. Cela a donc agi sur le climat scolaire.
Parallèlement, on a travaillé sur la restauration scolaire pour sensibiliser les enfants au changement climatique et à la nécessité de bien se nourrir en favorisant le circuit court.
Les enfants doivent […] retrouver leur place dans la ville et dans les cités.
Le périscolaire doit aussi proposer des projets pédagogiques qui ouvrent les horizons des enfants. Ainsi, on a développé des projets d’accès à la culture en permettant aux enfants de rencontrer des artistes dans l’école.
L’école doit être pensée au-delà de ses murs. Comme le dit
*, les enfants ont aujourd’hui disparu de l’espace public. La Ville doit sécuriser l’espace public pour les enfants et, si on réussit, tout le monde est gagnant. Les enfants doivent en tout cas retrouver leur place dans la ville et dans les cités.
La ville de Montpellier a décidé de rendre « la rue aux écoliers », qu’entendez-vous par là ?
Les villes ont très souvent été conçues pour la place de la voiture. Nous, on a choisi de rendre la rue aux écoliers en sécurisant les abords des écoles – par exemple, en fermant les voies à leurs alentours.
On a aussi créé des espaces ludiques devant l’école où les parents peuvent se rencontrer. À l’école Gisèle Halimi, cet espace a été pensé par les enfants qui ont imaginé des lieux d’échanges au-delà même du périmètre des parents puisque les assistantes maternelles y viennent.
on a choisi de rendre la rue aux écoliers en sécurisant les abords des écoles…
Sécuriser le chemin de l’école, c’est aussi favoriser l’autonomie de l’enfant. Si l’on crée un réseau pour que les enfants, les adolescents, les jeunes puissent circuler à vélo dans la ville, l’incidence favorable à la vie aux abords des établissements scolaires participe aussi au développement éducatif de l’enfant.
Comment impliquer les partenaires dans de tels projets, notamment les enfants ?
On sait que l’enfant apprend par le jeu. Cela nous a amenés à mettre en place des parcours d’émancipation avec, par exemple, la création d’un centre d’art contemporain pour les tout petits qui peuvent ainsi découvrir les gestes artistiques.
Une place importante est donnée à la parole de l’enfant, notamment avec le Conseil municipal des enfants, mais on travaille aussi autour de la thématique « une ville à hauteur d’enfants ». On a ainsi un laboratoire rassemblant tous les acteurs de l’enfance (familles, parents, pédagogues, chercheurs, enfants, enseignants, directeurs d’école, animateurs) qui se déploie sur deux axes : la création artistique, avec un sculpteur au sein de l’espace public ; d’autre part, la réflexion sur le parvis d’école pour que les enfants soient à la fois sécurisés et acteurs de certains projets, comme le tri des déchets, la place de la voiture. Par exemple, un élève a proposé de mettre en place des paniers de basket au-dessus des poubelles pour inciter les gens à y jeter leur sac poubelle de façon ludique.
Et la place de l’Éducation nationale, des enseignants, des directeurs d’école ?
Avec l’Éducation nationale, c’est un travail au long cours qui passe par des projets, des regards multiples et croisés. […] Cela doit venir du terrain, des acteurs et des actrices et, à Montpellier, on met en place cette façon de faire le plus possible.
Pour que l’Éducation nationale trouve toute sa place, un long chemin est à parcourir. Cela dépend avant tout des partenaires locaux et notamment, dans notre ville, du directeur académique des services de l’Éducation nationale (Dasen). Ce dernier facilite le travail du lien de proximité. On avance ainsi grâce au dispositif sur la laïcité et la gratuité.
On a pu identifier des directeurs et directrices pour mettre en place du soutien scolaire animé par des enseignants rémunérés par la Ville. Ce sont les enseignants qui identifient les enfants concernés par ce soutien et cela transite ensuite par un dispositif de médiation de quartier dont les enseignants font partie. Les enseignants peuvent bénéficier aussi de temps d’échanges le mercredi avec les parents en lien avec les écoles. Cela fait deux ans que ce dispositif existe et, clairement, les enseignants répondent présents. Les retours des directeurs et directrices montrent l’efficacité du dispositif.
Avec l’Éducation nationale, c’est un travail au long cours qui passe par des projets, des regards multiples et croisés. Si on impose une décision pour qu’elle « ruisselle », soi-disant, cela ne fonctionne pas. Cela doit venir du terrain, des acteurs et des actrices et, à Montpellier, on met en place cette façon de faire le plus possible. Cela passe par des négociations et la nécessité de briser ces silos existants. L’école nécessite de créer un collectif pour former un lien éducatif et de mutualiser ce qui fait sens. La continuité, c’est forcément difficile, car il faut mettre plusieurs acteurs en mouvement ensemble. Il faut passer les résistances, car le parcours éducatif d’un enfant a besoin d’agilité entre les différents acteurs. C’est ce qui crée de la stimulation, notamment quand on sort du cloisonnement des temps.
Voyez-vous un effet sur le climat scolaire ? Territoires éducatifs
C’est encore un peu tôt pour dresser un bilan, mais on a des premiers signes. Territoires éducatifs
Ainsi, 90 % des familles se disent favorables au dispositif « rue des écoliers ». On a bien quelques râleurs – ceux pour qui déposer un enfant à l’école est comme d’aller à un drive !
L’École ne peut faire toute seule, car aujourd’hui un enfant apprend sur différents temps et on se doit de lui donner les moyens de le faire.
Les familles sont majoritairement d’accord avec la végétalisation des cours d’école. Il a fallu néanmoins expliquer l’objectif : la violence envers les femmes peut prendre racine dans les cours de récréation de par la place que prend le ballon de foot des garçons dans cet espace. Quand on prend le temps d’expliquer, les personnes adhèrent au projet. Ce qui est certain, c’est qu’il convient de parler autrement de l’École, de la place de l’enfant dans la ville. L’École ne peut faire toute seule, car aujourd’hui un enfant apprend sur différents temps et on se doit de lui donner les moyens de le faire.
penser ces changements nécessite de penser aussi la qualité de vie des enseignants tant personnelle que professionnelle.
L’Éducation nationale est difficile à bouger, ses personnels n’ont souvent pas les codes de ce changement. Pourtant, penser ces changements nécessite de penser aussi la qualité de vie des enseignants tant personnelle que professionnelle. On le fait avec les équipes de direction. Par exemple, on a doté tous les directeurs et toutes les directrices d’école d’un ordinateur et d’un téléphone portables afin de mieux les accompagner dans leurs changements professionnels. C’est aussi un signe qu’il faut envoyer et réunir ainsi des conditions favorables pour l’échange et la co-construction.
La mixité sociale est souvent évoquée dans vos prises de positions. Comment travaillez-vous cette question dans votre territoire ?
La mixité sociale est un sujet important à Montpellier et même au-delà. La publication des indices de position sociale (IPS) par l’Éducation nationale a permis de concrétiser les efforts à faire pour plus de mixité.
À Montpellier, on a de vrais problèmes de mixité dans certains établissements scolaires et dans certains quartiers. Cela peut mettre à mal des territoires. C’est un sujet essentiel pour la capacité à vivre ensemble et la nécessaire sortie d’un communautarisme qui risque de s’installer. La Ville entend mettre les conditions nécessaires pour créer une représentation sociale la plus mixte possible dans un territoire donné et à fortiori dans une école, un collège.
Ainsi, dans le quartier de la Mosson, la population n’est pas très diverse et nous voulions renverser ce phénomène. Pour cela, on a testé divers outils. On a d’abord rendu les écoles plus attractives en travaillant sur le bâti : cours végétalisées, alimentation, rues aux écoliers, implantation de dispositifs Éducation nationale (CHAM, classe internationale). Cela se fait évidemment avec les acteurs du territoire.
Ensuite, on a fait évoluer la carte scolaire en créant des écoles en lisière de quartier, deux à trois dans le quartier de la Mosson. Certaines familles redoutaient d’y envoyer leurs enfants, car la mixité peut faire peur. On se doit donc de travailler cela dans la durée. Constater, c’est bien, mais il faut agir pour éviter de créer des écoles de riches et des écoles de pauvres. Territoires éducatifs
Certaines familles redoutaient d’y envoyer leurs enfants, car la mixité peut faire peur. On se doit donc de travailler cela dans la durée.
Cela doit aussi passer par une réflexion sur l’implantation des logements sociaux. On a décidé d’aller même au-delà du quartier en travaillant la carte scolaire des collèges du secteur de la Mosson avec les communes alentours, notamment Juvignac, où la population est assez aisée.
On ne peut rester spectateur de cette exclusion, car c’est une violence sociale. La Ville mène donc ce combat, pas à pas, mais on est volontariste, car on travaille sur un temps long. Cela doit aussi passer par l’implantation d’employeurs, de bureaux pour apporter de la mixité professionnelle. Pour le Maire, cette mixité est une garantie de réussite pour les enfants.
On ne peut rester spectateur de cette exclusion, car c’est une violence sociale. La Ville mène donc ce combat, pas à pas, mais on est volontariste, car on travaille sur un temps long.