Rapport de l’Institut Français de l’Éducation (Ifé) sur les transformations des universités françaises : de grandes convergences avec les positionnements Sgen-CFDT.
L’Institut Français de l’Éducation a publié un rapport national sur «
» rédigé par son unité de veille à l’École normale supérieure de Lyon (Olivier Rey, Annie Feyfant), pour le secrétaire d’État en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche.Son objectif était d’identifier quelques lignes de force permettant d’éclairer et de questionner les recompositions actuelles des universités françaises.
Ces analyses détaillées sont complétées dans le rapport par des points de vue faisant largement écho à bon nombre des revendications du Sgen-CFDT en matière d’enseignement supérieur et de recherche.
Voici notre analyse.
Quatre axes structurent ce rapport et ont guidé ce travail d’observation attentive du paysage actuel de l’ESR :
1. Un enseignement supérieur mondialisé : quel façonnage de l’ESR en France ?
L’autonomie des établissements trouve son origine dans l’influence qu’ont pu avoir certains modèles d’universités étrangères qui fonctionnent déjà depuis plusieurs années comme des organisations assez autonomes. Selon les auteurs du rapport, la manière dont cette réforme se met en place en France doit être regardée de près. Pour eux, ce modèle d’université modernisée ne correspond pas forcément à toutes les missions que les universités doivent assurer, ni aux intérêts de toutes les populations et territoires.
L’enseignement supérieur mondialisé est « une tendance lourde », qui met en scène « une sorte de ligue internationale universitaire » par des classements qui favorisent les regroupements. « Cette approche dite de modernisation est promue par la Commission Européenne, dont les universités anglaises et certaines du nord de l’Europe sont fréquemment les modèles implicites ». Elles exercent leurs missions comme des organisations poursuivant leurs « propres objectifs dans un cadre relativement concurrentiel », « pour mieux satisfaire les étudiants considérés comme des clients ». On assiste à des « changements de référentiels autour du New Public Management ».
Cela se traduit par la transformation des structures hiérarchiques de l’administration des universités, marquée par « une spécialisation des tâches et des fonctions au nom d’une plus grande efficacité administrative », qui provoque chez les agents une mauvaise appropriation des objectifs, des outils et des instruments de cette rationalisation. À noter de même l’augmentation des « financements sur projet qui recomposent les activités de recherche », qui modifient les procédures d’évaluation de la recherche et qui introduisent un « système compétitif » via les « investissements d’avenir » et le recours croissant au financement de la recherche par contrats.
L’AUTONOMIE DES UNIVERSITÉS NE SAURAIT DONNER LIEU À MOINS DE DÉMOCRATIE SOCIALE
Pour le Sgen-CFDT, Il est clair que l’autonomie ne saurait donner lieu à moins de démocratie sociale ou à un système universitaire à deux vitesses. Elle doit en revanche permettre aux établissements de disposer de marges de manœuvre locales plus importantes (financières, horaires, organisationnelles et pédagogiques), et donner la capacité aux acteurs locaux d’opérer leurs propres choix dans le cadre des missions de service public qui leur sont confiées. Penser la coopération plutôt que la compétition, telle est la ligne défendue par le Sgen-CFDT : nous combattons la recherche effrénée du gigantisme liée à des projets de fusion improvisés et délétères pour les conditions de travail, et défendons au contraire une orientation de type fédéralisation des structures de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
2. Vers une mutation organisationnelle des universités ?
La deuxième focale du rapport se centre sur la mesure des effets, sur les gouvernements des universités, de ces politiques publiques et changements de cadres réglementaires.
Cela soulève un point de vigilance autour de la mise sur la touche de certains échelons intermédiaires, du fait de la modernisation des gouvernements d’universités et de l’accroissement des « prérogatives des responsables universitaires » : « les composantes des universités (UFR, départements…) et plus largement les échelons intermédiaires sont souvent les oubliés des réformes des 20 dernières années ».
Là encore, le Sgen-CFDT partage l’attachement que portent les auteurs de ce rapport à la nécessaire vitalité de la démocratie sociale au sein des établissements. Elle doit bien, à l’instar de ce qui est pointé dans le rapport, passer par la possibilité d’établir un dialogue social à tous les niveaux de l’établissement, les UFR et les composantes diverses de proximité constituant le bon niveau de discussion possible entre enseignants, enseignants-chercheurs, personnels administratifs, et directions administrative et politique.
3. La qualité de la formation : des publics plus divers mais une ouverture sociale limitée
La troisième entrée du rapport porte sur la prise en compte de la qualité de la formation universitaire en France, dans un contexte marqué par la prééminence de la recherche : « Alors que la massification de l’enseignement supérieur est indéniable, les logiques de démocratisation ségrégative continuent à organiser trop souvent les parcours en fonction des hiérarchies sociales d’origine.
Accueillir plus d’étudiants n’a pas grand sens s’il s’agit de les tenir à l’écart des parcours d’excellence ou des diplômes les plus valorisants ». La pédagogie compte, mais semble être parfois trop négligée à l’université, par certains enseignants et enseignants chercheurs. Les classements internationaux « ne fournissent que peu d’indications sur la qualité de la mission de formation des universités », et privilégient pour leur évaluation les universités de recherche, « pour leur conformité à certains canons scientifiques, dans l’ignorance des autres missions de l’enseignement supérieur ». Cette représentation de l’université idéale « fait fi des profils variés des universités en fonction de leurs missions, de leurs territoires, de leur population étudiante, de leurs champs disciplinaires, etc. ».
MIEUX LUTTER CONTRE L’ÉCHEC À L’UNIVERSITÉ
De plus, et cela n’est pas pour limiter cette logique ségrégative pointée dans le rapport, les « dispositifs de lutte contre l’échec universitaire » sont « peu concluants ». Quant aux « conclusions des recherches menées sur les dispositifs d’accompagnement méthodologique ou pédagogiques », elles « sont assez mitigées sur leurs résultats, en partie car ces dispositifs manquent souvent leur cible prioritaire : les étudiants en difficulté ou en risque de décrochage ».
Le Sgen-CFDT ne peut que souscrire à ces conclusions, et en particulier à cette ambition d’accompagner tous les étudiants vers la réussite, notamment en réorganisant le « bac-3/Bac + 3 » et en prenant en charge la différenciation des parcours des étudiants. Le Sgen-CFDT, attaché à la démocratisation de l’ESR, demande un cadre réglementaire pour favoriser les échanges lycées/ universités et mettre en œuvre une orientation de qualité (information et orientation des lycéens, partage de plateformes technologiques, partenariat sur les diplômes).
L’orientation reste en effet un maillon primordial de la réussite de toute politique éducative. Plus globalement et toujours dans la droite ligne des préconisations de ce rapport, nous promouvons le rôle important que jouent les universités de taille moyenne dans le maintien indispensable d’un enseignement supérieur accessible à tous et toutes. À cet égard, le rapport précise que l’ESR « marque le pas » en terme de « diversité sociale » : elle « n’est pas également répartie, que ce soit selon les filières de formation (les étudiants issus de classes populaires sont plus nombreux dans les filières courtes et moins présents dans les filières plus « élitistes » – médecine par exemple) ou selon le cycle d’études (les étudiants issus de catégories sociales favorisées sont plus nombreuses en Masters et doctorats). Les sorties sans diplôme ou avec diplôme inférieurs à Bac +5 concernent les étudiants issus de classes populaires. »
4. Que seront les futurs universitaires ?
Enfin, le quatrième et dernier volet du rapport porte sur la formation et l’entrée dans la carrière des futurs enseignants et enseignants-chercheurs. Cette transformation pédagogique « entre en tension avec l’approche commune d’une quête d’excellence en matière de recherche, impliquant de fait une mise en retrait des tâches d’enseignement ». La pédagogie universitaire gagnerait à être plus légitime en tant que champ de recherche à part entière : « On observe des changements majeurs dans les pratiques enseignantes », autour du numérique, de la notion de compétences, de méthodes actives.
« Certains pays ont imposé une formation pédagogique dans leur procédure de titularisation (Australie, Norvège, Royaume Uni, Suède), dans d’autres le choix relève plutôt des établissements (États-Unis, Finlande, Nouvelle Zélande, Pays Bas), dans d’autres encore, on se focalise plutôt sur la formation des doctorants (Pays Bas, France)». Là encore, le Sgen-CFDT milite dans le même sens, pour que les missions d’enseignement et de recherche fassent l’objet d’une valorisation égale chez les enseignants chercheurs, tant dans l’évolution de carrière que via l’indemnitaire.
DU TEMPS POUR FORMER À LA PÉDAGOGIE ET AUX MISSIONS D’ENSEIGNEMENT
Le Sgen-CFDT a d’ailleurs revendiqué et obtenu 64 heures de décharges d’enseignement pour les MCF. Ces heures doivent leur permettre de former à la pédagogie et aux missions d’enseignement. 32 heures de formation devront être utilisées pendant l’année de stage et 32 heures pourront l’être dans les 5 années suivant la titularisation.