Enseignant en Sciences de la Vie et de la Terre dans un lycée parisien, Vincent Faillet a écrit un livre sur son expérience de réactualisation de l’enseignement mutuel au sein de sa classe-laboratoire.
Il est illusoire d’envisager une évolution de l’École tant qu’on continuera de concevoir les salles de classe sur le modèle traditionnel
« Faire la classe » peut renvoyer à la collaboration et à la coopération entre élèves qui structurent l’enseignement mutuel, mais c’est aussi construire l’espace de la salle de classe. Et de la même façon que l’œuf précède la poule du point de vue de l’évolution, dans l’expérience de la « classe mutuelle », les élèves commencent par redéfinir l’aménagement de la classe avant qu’il soit possible de changer la pédagogie.
Il est illusoire d’envisager une évolution de l’École tant qu’on continuera de concevoir les salles de classe sur le modèle traditionnel…
Il est illusoire d’envisager une évolution de l’École tant qu’on continuera de concevoir les salles de classe sur le modèle traditionnel : un tableau, des rangées de tables et de chaises pour des élèves qui se tiennent assis, immobiles, silencieux. Repenser la « forme scolaire » n’est pas nécessairement couteux, et c’est devenu essentiel. Je lance donc un appel aux collectivités territoriales – conseils municipaux, départementaux ou régionaux gérant notamment la construction, la rénovation et l’équipement des écoles, collèges et lycées – : il leur appartient d’être les architectes de la métamorphose de l’École.
Il est fondamental que l’École s’inscrive dans la culture numérique des élèves, mais c’est en effet une course sans fin et une « course aux armements » perdue d’avance. Ainsi, mes élèves ont plus vite fait de consulter leur smartphone pour trouver une information que d’allumer les (vieux) ordinateurs de la salle de travaux pratiques. Il apparait paradoxal de proposer certains outils numériques à des élèves majoritairement mieux équipés ! Le temps de l’innovation technologique, en effet, n’est pas le temps de l’institution.
Utiliser les outils numériques des élèves n’est pas source d’inégalité quand cette démarche s’inscrit dans une pédagogie fondée sur la collaboration
Pour s’adapter, il faut être flexible et aujourd’hui, j’aurais davantage besoin d’un Wifi performant et de prises électriques en nombre pour les appareils mobiles des élèves que d’attendre la prochaine dotation hypothétique. Utiliser les outils numériques des élèves n’est pas source d’inégalité quand cette démarche s’inscrit dans une pédagogie fondée sur la collaboration. Se pose en revanche la question des conditions légales d’une telle utilisation.
Qu’en est-il des responsabilités si un élève endommage son matériel ou celui de son camarade dans le cadre d’une utilisation prescrite par l’enseignant ?
Lorsqu’une innovation a un impact sur le mobilier et l’agencement de la classe, il est essentiel qu’elle diffuse et soit mutualisée au sein de l’établissement. Cela a été le cas avec la « classe mutuelle » où tables et chaises sont disposées en ilots et où de nombreux tableaux couvrent les murs pour que les élèves puissent s’expliquer le cours, les exercices. L’établissement est le creuset de l’innovation, et le rôle du chef d’établissement est essentiel. Cela étant, la « classe mutuelle » ne doit pas devenir la prochaine norme ; ce qui importe n’est pas tant de reproduire strictement des innovations que la prise de conscience que le changement de la « forme scolaire » est à la portée de tous.
Partout en France, des enseignants innovent et revisitent les salles de classe, les règles et activités qui s’y déroulent. Ils sont des pionniers, ouvrant de nouvelles voies dans un environnement qui, sans être forcément hostile, n’est pour autant pas toujours favorable. Ils montrent qu’il est possible de faire la classe autrement. L’institution doit se nourrir de ces expérimentations de terrain et faciliter matériellement le cheminement de ceux qui veulent les suivre. Il faut soutenir les enseignants qui veulent changer la « forme scolaire », faute de quoi, l’École s’enfermera dans ses paradoxes et l’on continuera à doter de numérique des écoles du XIXe siècle !
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