Article paru dans le dossier "Contractuels" de Profession Éducation, le mensuel du Sgen-CFDT, n° 270 (août-septembre 2019).
S’il est une idée récurrente dans la prose ministérielle, c’est bien celle de travail en équipe pluriprofessionnelle – modalité pourtant bien rare dans l’institution scolaire alors qu’ailleurs (santé, police, armée, pompiers, éducation spécialisée), elle est incontournable et travailler seul, inconcevable.
Prenons le cas des classes Ulis (unités localisées pour l’inclusion scolaire), dotées de professionnels titulaires et de contractuels : la qualité des résultats dépend largement du professionnalisme des acteurs et de leur stabilité. Avec la loi de transformation de la fonction publique qui renforce le recours aux contractuels, ce modèle éducatif risque d’être encore plus fragilisé.
Le suivi de publics scolaires en situation de fragilité nécessite des équipes stables. Combien d’assistants d’éducation (AED), d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) ont aidé des élèves à surmonter leurs difficultés, réussissant là où de nombreux autres adultes désespéraient ? Or, ces « travailleurs de l’ombre » ne sont ni formés, ni rétribués, ni reconnus à hauteur de leur engagement professionnel. Et tous les ans, ils sont nombreux à quitter les établissements dans l’indifférence générale.
Les agents contractuels sont les partenaires des titulaires. Aucune Vie scolaire, aucune classe d’Ulis ne fonctionnerait sans eux… Sans garantie d’emploi de ces agents, le travail en équipe pluri-professionnelle ne peut être assuré dans la cohérence et la continuité indispensable au défi de l’école inclusive, autre antienne ministérielle.
nos revendications
Travailler en équipe, assurer le suivi individuel du parcours de l’élève avec bienveillance et exigence, coopérer effectivement et efficacement avec parents et partenaires… ne se décrètent pas. Cela implique une remise en cause des pratiques pédagogiques, indissociable d’une formation tant initiale que continue, et de temps dévolu et reconnu à ces fins. Pour le Sgen-CFDT, encourager et aider les équipes à travailler ensemble est un premier pas vers l’école que nous voulons, qui favorise l’autonomie des équipes dans leurs pratiques quotidiennes. Il convient maintenant de reconnaître l’investissement des personnels et de les accompagner.
À l’Éducation nationale et dans l’Enseignement supérieur et la Recherche, les différents dispositifs – tels les Ulis,les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) – participent au développement de l’éducation inclusive. Le Sgen-CFDT revendique un accompagnement des personnels qui passe par la formation et la reconnaissance pour tous les agents. Les équipes pluriprofessionnelles nécessitent des moyens à la hauteur de l’enjeu.
Témoignage : Nathalie Legros
Militante Sgen-CFDT, Nathalie Legros, est accompagnante des élèves en situation de handicap (AESH) depuis douze ans. • Propos recueillis par Jean-Luc Evrard
Qu’est-ce qui te motive en tant qu’AESH ?
Professionnellement, le soutien et l’aideaux élèves handicapés, c’est passionnant. Et heureusement, parce qu’avec douze ans d’ancienneté à temps plein, je touche 1 255 euros ! Nous sommes une minorité à temps plein – c’est même de plus en plus rare. Du coup, les célibataires, à mi-temps et sans aide sociale, ne peuvent pas s’en sortir…
Y a-t-il eu malgré tout des améliorations ?
La cédéisation a été une avancée majeure. Avant, nous avions un contrat d’assistant d’éducation (AED) et, au bout de 6 ans, c’était dehors ! Des formations ont aussi été mises en place dès l’entrée dans le métier – il ne s’agit plus de vagues informations, comme il y a douze ans.
Peux-tu parler de ton temps de travail ?
Un temps plein, c’est 1 607 heures. La nouvelle circulaire va nous permettre de travailler moins d’heures chaque semaine – mais certaines académies risquent de ne pas la respecter… Notre travail dit invisible est reconnu. Les préparations prennent du temps, notamment parce qu’il faut adapter au handicap de l’élève les documents des profs. Pour des troubles visuels, on va changer la police de caractère. Il y a aussi les réunions, les bilans, les rencontres avec les familles…
Te sens-tu reconnue ?
Cela vient tout doucement. Il faut se manifester pour obtenir des droits et les choses restent compliquées avec l’institution. Mais on travaille de plus en plus avec les collègues profs. Ceux qui ne nous reconnaissent pas sont de moins en moins nombreux.
Alors ? AESH pour la vie ?
Franchement oui, si le métier évolue au niveau salarial, parce que c’est un vrai beau métier. Les conditions de travail vont forcément s’améliorer… Les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) réduiront par exemple les déplacements. Et un pôle avec des intervenants qui gravitent autour des élèves, c’est intéressant…