Déclaration liminaire CSAMEN du 13 juin 2023 : la contrainte budgétaire plutôt qu'une véritable reconnaissance salariale et professionnelle
Le CSAMEN s’est tenu le 13 juin 2023. Notre déclaration liminaire et le texte du voeu intersyndical lu à cette occasion.
Des attentes salariales fortes
Les textes présentés au CSAMEN ce jour portent une partie des mesures que le gouvernement a décidé de prendre concernant les rémunérations des enseignantes et enseignants, CPE et PsyEN après des concertations menées depuis l’automne.
Les attentes et les besoins sont importants, autant pour les personnels que pour le système éducatif. Le niveau et les conditions de rémunération tout au long de la carrière sont un des éléments clés de l’attractivité des métiers, à articuler avec les conditions d’exercice professionnel. L’enjeu d’attractivité est majeur tant la difficulté à pourvoir les postes ouverts aux concours s’inscrit dans la durée et s’approfondit, fragilisant le fonctionnement même du système éducatif, alimentant la dégradation des conditions de travail par l’intensification du travail de celles et ceux, titulaires, stagiaires et contractuels qui assurent au quotidien le fonctionnement de l’École.
Les attentes sont fortes. Le pouvoir d’achat relatif des enseignants et professions scientifiques publiques en France s’est dégradé depuis deux ou trois décennies : par rapport aux autres cadres publics, par rapport à leurs homologues dans le reste de l’OCDE. C’est lié à la fois au gel de la valeur du point d’indice, et à un niveau indemnitaire bien plus faible que pour d’autres fonctionnaires de catégorie A. L’inflation actuelle ne fait qu’aggraver la situation. Elle concerne l’ensemble des agents publics, même si ses effets pèsent plus encore sur les agents les moins bien payés.
Des attentes déçues au niveau de la fonction publique
Pour la CFDT, les concertations menées au sein de notre ministère n’ont de sens que dans leur articulation à des mesures générales pour l’ensemble des agents publics. Les annonces faites hier par le ministre de la transformation et la fonction publique sont loin de répondre aux attentes des personnels. La CFDT avait alerté sur la nécessité de mobiliser en 2023 une enveloppe supérieure à celle de 2022. De toute évidence, le prisme budgétaire l’a une nouvelle fois emporté au sein du Gouvernement, et ce sont les agents et toute la Fonction publique et leur pouvoir d’achat qui en font les frais.
La reconnaissance de l’engagement des agents dans leur travail n’est pas à la hauteur, et nous sommes loin du « choc d’attractivité » indispensable pour pourvoir les 60 000 postes vacants.
Avec les agents, c’est encore une fois la qualité du service public qui risque d’être affectée.
Des grilles toujours en dessous du SMIC pour les petits salaires
Dans notre ministère, au-delà des enseignant.e.s, CPE et PsyEN, des discussions ont ou vont démarrer sur les rémunérations des personnels du ministère. Pour le Sgen-CFDT, il est indispensable que notre ministère sorte enfin de la catégorie des employeurs dont des grilles de rémunération démarrent sous le SMIC, ou maintiennent trop longtemps des agents proches du SMIC, qu’ils soient titulaires ou contractuels. La fin de non recevoir actuelle sur l’extension de mesures du Ségur de la santé aux personnels sociaux et de santé de l’Éducation nationale est incompréhensible et inacceptable. Inacceptable également la stagnation de l’indemnitaire des ITRF notamment en catégorie B et C. En cette journée de mobilisation des AED et des AESH, nous attendons des réponses sur la reprise du travail sur la rémunération et le cadre d’emploi de nos collègues.
Un socle insuffisant pour corriger la baisse du pouvoir d’achat
A propos des mesures salariales pour les enseignant.e.s, CPE et PsyEN, pour le Sgen-CFDT seule la partie dite socle relève d’une revalorisation.
Nous y reconnaissons la satisfaction de plusieurs revendications que nous avons portées dès cet automne :
- doublement de l’ISAE, de l’ISOE part fixe et augmentation équivalente des indemnités spécifiques des PsyEN, CPE et professeur.e.s documentalistes, nous rappelons ici notre demande d’un triplement à la rentrée 2024 par rapport à la situation actuelle, et encore, ces collègues resteront encore en-deçà du plancher de l’IFSE des catégories A dans notre ministère, l’occasion de rappeler qu’il faut une trajectoire pluriannuelle lisible ;
- poursuite de l’amélioration des reclassements ;
- linéarisation de la classe exceptionnelle ;
- augmentation du taux de promotion à la hors classe, nous attendons l’arrêté qui en assurera la mise en œuvre.
Concernant l’évolution de la classe exceptionnelle, nous demandions une augmentation de la proportion du corps pouvant être simultanément dans ce troisième grade, un bilan et des simulations plus précises des effets des autres modifications d’accès. Le passage à un taux de promotion permettra d’augmenter le nombre de collègues promu.e.s, mais des fonctions, missions ou conditions d’exercice risquent d’y perdre un élément de reconnaissance. Pourtant, toutes n’ont pas fait l’objet d’une revalorisation indemnitaire au moment où les collègues les exercent, nous y reviendrons lorsque le texte sera examiné en séance.
Ces mesures, bénéfiques pour les agents que ce soit sur le volet indemnitaire ou par l’effet sur la rémunération indiciaire sont dotées d’un budget conséquent, mais insuffisant pour corriger l’effet de décennies de glissement du pouvoir d’achat relatif. Il faut donc une programmation pluriannuelle de la revalorisation des enseignant.e.s, CPE et PsyEN, ce que nous ne cessons de demander depuis plus de 5 ans maintenant.
Le Pacte va intensifier le travail des agents
Le ministère et l’ensemble de l’exécutif ont fait le choix de maintenir les mesures du pacte dans une mouture dont nous rejetons la philosophie. Ces mesures pèsent moins sur le plan budgétaire que les mesures dites du socle. Pour autant, en les maintenant, en les accompagnant d’un discours culpabilisant pour les collègues, méprisant souvent pour les enseignant.e.s du 1er degré, l’exécutif a choisi de les faire passer au premier plan.
Pour le Sgen-CFDT, le pacte est très loin des attentes des collègues, des besoins du système éducatif, et très loin de nos attentes en matière de rémunération et de reconnaissance du travail réalisé par les personnels.
Pour le Sgen-CFDT, il fallait reconnaître les missions déjà exercées et peu voire pas reconnues. Le pacte comporte des risques majeurs pour le système éducatif et pour les agents.
La philosophie du pacte, son organisation telle que décrite dans le projet de décret instituant les parts fonctionnelles des indemnités ISAE, ISOE et IS des CPE et PsyEN, la distribution budgétaire locale dont nous commençons à avoir connaissance vont intensifier le travail et donc dégrader les conditions de travail, creuser les inégalités entre les deux degrés d’enseignement, entre corps, entre femmes et hommes, entre les personnels selon leur situation de santé.
Les missions qui sont rémunérées en parts fonctionnelles ne peuvent pas donner lieu à décharge de service d’enseignement. Pour le Sgen-CFDT, c’est donc bien du travailler plus pour gagner plus, et une intensification du travail qui se profile, sans se soucier de sa soutenabilité pour les agents.
Dans le premier degré
Les parts fonctionnelles ne sont pas accessibles de la même manière pour tous les personnels : par construction, et par distribution budgétaire, pour les professeur.e.s des écoles quand bien même ils et elles le souhaiteraient, le pourraient cela sera limité par le fait que plusieurs missions ne s’adressent pas à elles et eux, par le fait que la répartition budgétaire les marginalise totalement. Dans l’académie de Rennes, près de 74% des parts fonctionnelles sont fléchées vers le 2nd degré. Dans l’académie d’Orléans-Tours, plus de 63% des parts fonctionnelles sont fléchées vers le 2nd degré.
Les documents déjà diffusés pour le déploiement du pacte témoignent d’une condescendance vis-à-vis du 1er degré qui n’est pas entendable : exclusion a priori des enseignant.e.s de maternelle pour le soutien en 6ème, insistance lourde sur la sélection de personnels ayant quelques années d’ancienneté pour intervenir en collège alors que cette précision n’apparaît pour aucun autre personnel sur aucune mission. Nous constatons aussi que dans le premier degré, il est parfois dit localement l’inverse de ce qui est dit au niveau ministériel par exemple sur le remboursement des frais de déplacement en cas d’intervention en collège, sur le fait que la participation à des projets CNR puisse être reconnue par une part fonctionnelle.
Le pacte est donc à l’opposé de ce qu’il conviendrait de faire pour améliorer les conditions de travail, pour réduire les inégalités de rémunération entre femmes et hommes, entre premier et second degré.
Quant à l’argument de l’amélioration du remplacement dans le second degré, le pacte ne résoudra pas la problématique parce qu’elle est traitée par le petit bout de la lorgnette, et sans regarder l’enjeu plus massif en termes d’impact pour les élèves des remplacements longs non assurés. Le Sgen-CFDT demande depuis plusieurs mois des éléments partagés et objectivés si on veut construire des politiques adaptées à la situation et soutenables pour les personnels. Dans le premier degré, le silence sur les modalités de (non) remplacement des enseignantes et enseignants absents n’est plus acceptable s’il s’agit de se contenter de ne plus permettre le départ en formation continue des professeur.e.s des écoles, s’il s’agit de considérer comme satisfaisante la répartition des élèves dans les autres classes. Pour le Sgen-CFDT ces deux conséquences de la tolérance au non remplacement dans le 1er degré sont néfastes pour les conditions de travail des personnels et d’apprentissage des élèves.
Dans le second degré
Ces mesures auront des effets d’éviction sur d’autres missions. Il était déjà difficile de trouver des volontaires pour être professeur principal et le début de révision de la part modulable de l’ISOE ne fera pas le poids. Aucune correction n’est apportée à la sous-rémunération de la mission de professeur référent, de tuteur et tutrice de stagiaire, de maître d’accueil temporaire… De nombreuses missions de référents ont été introduites depuis plusieurs années que les IMP ne suffisent pas à reconnaître dans le second degré, et encore moins dans le premier degré. Considérer, comme le fait le ministère dans la note de service découverte des métiers, que l’on peut se contenter d’une part fonctionnelle pour reconnaître et donner du sens à la mission de référent découverte des métiers en collège est inacceptable. La mission décrite est celle d’un ou d’une cheffe de projet qui aurait besoin d’y consacrer du temps, et sans doute jusqu’à un ETP. Nous vous l’avons déjà écrit, et nous le redisons aujourd’hui ce choix de ne reconnaître une mission décrite avec une telle ampleur que par une part fonctionnelle, sans temps dédié n’est pas acceptable et illustre combien le pacte dessine la vision en creux d’enseignants qui à temps plein + deux HSA ne travailleraient pas encore assez. Ce n’est pas acceptable. Dans la voie professionnelle, si le “pacte” prenait, quid des nombreuses HSA nécessaires pour assurer les enseignements ? et si elles sont assurées en plus de ce qui compose le “pacte”, alors l’aggravation des conditions de travail serait encore plus marquée qu’ailleurs.
Les modalités d’organisation du “pacte” retenues par le ministère et l’exécutif, en dépit des critiques et de l’opposition de l’ensemble des organisations syndicales représentatives vont donc avoir des conséquences délétères pour l’organisation collective du travail dans les écoles, collèges et lycées. Elles rendent le paysage indemnitaire et globalement de rémunération des enseignant.e.s de moins en moins lisible. Le même travail n’étant pas rémunéré de la même manière selon qu’il est assuré dans le cadre fixé par le pacte ou pas. Un nouvel étage indemnitaire s’ajoute qui aurait dû passer par une réflexion de fond sur les IMP, leur volumétrie budgétaire pour assurer la reconnaissance de ce qui est fait sans en ajouter dans les deux degrés et de rouvrir dans les deux degrés la possibilité d’exercer ces missions particulières sur la base du volontariat en décharge de service.
Ces choix politiques délétères ne permettent pas de prendre en compte l’évolution du rapport au travail, ni la question de la soutenabilité du travail intégrant l’ensemble des tâches que les enseignant.e.s, CPE et PsyEN réalisent pour faire l’Ecole au quotidien. Cette politique est aux antipodes des objectifs à poursuivre en termes d’égalité, de QVT et donc d’attractivité des métiers.
Malgré nos interventions répétées à ce sujet, les mesures socle et pacte ne permettent pas la juste reconnaissance de l’impact de l’école inclusive sur le travail de toutes et tous il faudrait pour cela aller plus loin dans les mesures socle, ouvrir la question du temps de réunion et de concertation entre professionnels et avec les partenaires) et de celles et ceux qui assument des missions particulières en lien avec l’inclusion (il faudrait pour cela assumer de donner du temps et de la reconnaissance en rémunération aux personnels concernés).
Un voeu a aussi été lu par l’intersyndicale, en faveur de l’engagement de négociation pour les AESH et les AED.