Françoise Lambert est Maîtresse de conférences en économie à l’université de Poitiers et secrétaire fédérale du Sgen-CFDT. Très investie pour l’insertion des étudiant·es, elle s’interroge avec nous sur son métier.
Donner aux étudiant·es les outils qui vont leur permettre de découvrir l’université, de construire un projet et de se préparer concrètement à l’insertion professionnelle…
Tu as publié récemment un article sur les parcours d’insertion offerts aux étudiant·es dans ton université, peux-tu préciser quel est ton intérêt pour cette question ?
J’ai été VP CEVU Formation (vice-présidente en charge de la Formation) pendant 4 ans à l’université de Poitiers et je suis convaincue que l’insertion est un thème central pour les étudiant·es.
Dans mon établissement, nous avons progressé sur les parcours d’insertion obligatoires, avec par exemple la présence de savoirs transversaux intégrés dans nos maquettes depuis 2008. J’adore avoir les mains dans le cambouis, les étudiant·es doivent s’approprier une réflexion sur les métiers, il faut aller les chercher sur leur terrain.
Je suis convaincue que l’insertion est un thème central pour les étudiant·es…
Le premier semestre de la première année de fac est un moment charnière : les étudiant·es découvrent un nouvel univers, avec de nouvelles règles. Il y a souvent un décalage entre ce qu’ils anticipaient (indépendamment de ce qui a pu leur être expliqué en amont) et ce qu’ils découvrent. Notre objectif est de les amener à faire un bilan de leurs compétences. En seconde année, ils vont pouvoir cibler un projet (d’emploi tout d’abord, de formation ensuite).
Donner aux étudiant·es les outils qui vont leur permettre de découvrir l’université, de construire un projet et de se préparer concrètement à l’insertion professionnelle, c’est plutôt un bon programme non ? J’y vois en ce qui me concerne une cohérence avec mon engagement au Sgen-CFDT : enseigner est un métier qui s’apprend ! J’ai le sentiment de me battre au quotidien pour que la réussite étudiante soit cohérente avec notre projet de société pour demain.
Des engagements, un métier
Peux-tu nous parler de ton engagement au Sgen-CFDT et à l’université de Poitiers ?
Je milite au Sgen-CFDT de la région Poitou-Charentes et je suis élue au comité technique de mon établissement (CTE). J’anime la section syndicale de notre université et j’ai intégré le secrétariat fédéral enseignement supérieur et recherche du Sgen-CFDT où je vais animer notre nouveau réseau d’enseignants-chercheurs.
Je me suis particulièrement intéressée au dossier de la réforme du master, aux comités de suivi LMD (Licence Master Doctorat). Je participe également à un groupe de travail Sgen-CFDT Bac -3 / Bac +3 qui vise au renforcement du lien entre le scolaire et le supérieur.
Je m’efforce de faire le lien entre mes engagements et mon métier.
J’adore le contact avec les étudiant·es, je ne m’en passerai pas. Du côté du suivi des étudiant·es et des pratiques pédagogiques, j’ai le sentiment de pouvoir être utile donc je m’engage. Projets d’entreprises, projets tutorés : l’approche pédagogique autour de ces axes est passionnante. Nous essayons également de mixer le travail à distance (TAD) pour les étudiant·es et les cours en présentiel. On se voit 7 fois en cours, 4 fois en TD, les choses ont dû être travaillées par les étudiant·es en autonomie, on vérifie et on complète ce travail sur une grosse base de données (j’enseigne des statistiques). L’objectif est qu’ils trouvent par eux-mêmes leurs sujets problématisés.
Quelles sont les préoccupations des agents ?
Soyons clairs, il y a un mal être général chez les personnels Biatss de l’établissement, le président, dans ses choix et ses priorités, a protégé son électorat enseignant-chercheur (EC)… Les personnels Biatss ont fait les frais de réorganisations.
Du côté de notre travail syndical en Comité Technique d’Établissement (CTE), le pilotage dans l’établissement ne nous permet malheureusement pas de jouer pleinement notre rôle d’élu·es. Malgré de fortes réticences du président à parler des enseignants-chercheurs en CTE, on progresse tout doucement. On a trouvé des points de convergence avec les élu·es SNPTES, Unsa et CGT. On demande par exemple un certain nombre de documents que nous n’avons pas…
Nous cherchons à faire évoluer les pratiques : la présidence est obligée d’entendre. L’une des conséquences de ce combat politique est que le Snesup a récemment perdu ses sièges du côté Biatss du fait de sa participation à la majorité présidentielle de l’établissement.
S’ADRESSER À TOUTES LES CATÉGORIES DE PERSONNELS
Le Sgen-CFDT est reconnu comme un acteur de l’établissement, nous avons également la possibilité d’envoyer des messages régulièrement (environ une fois par mois) aux quelques 2800 abonné·es de la liste des agents de l’université. Les 6 élu·es Sgen-CFDT et sympathisant·es du CA s’adressent à toutes les catégories de personnels, PR, MCF, mais aussi BIATSS. L’une de nos élu·es est conservatrice de bibliothèque donc son statut est celui d’une MCF, ce qui ne peut que contribuer à biffer un peu la séparation enseignant/ Biatss qui sévit trop souvent dans nos établissements… Cette variété d’élu·es Sgen-CFDT nous permet une vision synoptique et précise des dossiers.
ACCUEILLIR ET FORMER LES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS…
Du côté de la Gestion des Ressources Humaines (GRH), il y aurait, pour ne prendre qu’un exemple, une réflexion à mener concernant l’accueil de nos jeunes collègues enseignants-chercheurs : connaissance des instances, organisation de l’établissement, échanges de pratiques pédagogiques (quels sont nos positionnements par exemple en amphi). A nous de créer ces outils, de les construire avec les collègues et de les proposer.
Du côté de la formation des enseignants-chercheurs, on a le sentiment d’efforts qui ne sont pas coordonnés, il y a des cultures qui se construisent par secteurs, par exemple en sciences, en psycho… On peut s’étonner, par exemple, que de façon générale il n’y ait pas de contact sur les pratiques pédagogiques ou pas d’échanges entre les établissements, sauf sur les parcours MEEF (Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation).
CRÉER DES OUTILS, ÉCHANGER
Pour faire évoluer les pratiques il faut du temps. Convaincre, se créer un réseau. Il faut montrer par l’exemple. Avec les parcours d’insertion, les modifications pédagogiques, on arrive à convaincre au fur et à mesure les collègues. Nous disposons également d’un groupe trans-disciplinaire de réflexion à l’intérieur de notre université. Il s’inscrit plus largement dans le cadre d’un réseau pour l’innovation numérique (Esup). C’est important de le faire vivre.
Toujours se demander : comment faire avancer les choses là où je suis ?
Pour en revenir à cette question d’une réflexion sur nos pratiques et nos métiers, c’est tout l’intérêt du militantisme en tant que lieu d’échanges et de diffusion des idées ! Grâce à la CFDT et à sa structuration, je peux aller voir du côté de l’interprofessionnel, des entreprises, de la formation continue… Il faut profiter des occasions qui se présentent pour sortir le nez de là où on est. Et toujours se demander : comment faire avancer les choses là où je suis ?