Benoît Berthou, enseignant-chercheur, est vice-président de l’université Paris 13 Villetaneuse – Bobigny – St Denis, en charge des relations avec le monde économique. Rencontre.
Tu participes à la gouvernance de ton université. Peux-tu nous parler de ton engagement et de tes missions ?
Après vingt ans d’enseignement dans des contextes très divers, j’avais envie de mettre du collectif dans mon métier et de contribuer à élaborer une stratégie de recherche et de formation. En tant qu’enseignant-chercheur, je me sentais un peu cloisonné dans une discipline ou une composante. Aujourd’hui en développant les relations entre l’université et le monde économique et social dans lequel elle opère, j’agis au niveau d’une communauté.
Un travail d’écoute et d’interface entre des acteurs économiques et l’université.
Directeur du service de Formation professionnelle et continue et du service de recherche partenariale, avec un budget annuel d’environs 18 millions d’euros, je développe des partenariats incluant des prestations de recherche ou des actions de formation. C’est le cas par exemple avec Orange, EDF, des CFA ou des OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés). C’est un travail d’écoute et d’interface entre des acteurs économiques et l’université.
Construire des convergences
Nous construisons des convergences, que ce soit en terme d’activité (intérêt pour tel domaine de Recherche et Développement et formation), de compétences ou de financement. Cela passe par l’organisation de tours de table permettant de concilier les logiques des acteurs économiques avec les missions de service public qu’offre l’université.
Se demander sans cesse ce qu’est une université, ses valeurs, sa place dans la société, son organisation et le rôle qu’elle entend occuper demain.
Cet engagement s’est nourri aussi de mon adhésion à la CFDT depuis 18 ans. Faire ce travail, c’est se demander sans cesse ce qu’est une université, ses valeurs, sa place dans société, son organisation et le rôle qu’elle entend occuper demain. Et parfois tracer une ligne rouge. Au syndicat, on est à bonne école pour ces questionnements.
Concernant la question de l’autonomie, mon travail est précisément d’amoindrir notre dépendance vis-à-vis de Bercy. En développant des ressources propres, c’est à dire des recettes réalisées par l’université en plus des subventions qui lui sont accordées. Elles peuvent provenir de la formation professionnelle, des contrats de recherche, du monde économique ou de dispositifs déterminés avec d’autres ministères comme celui du Travail ou de la Cohésion des territoires.
Comment ces relations se développent-elles ?
L’idée est de développer une synergie. On identifie les compétences présentes dans toutes les composantes de l’université, on élabore des fiches de compétences qui vont nous permettre de formuler des propositions à des acteurs.
Réfléchir à de nouveaux modèles de valorisation de la recherche
Cela passe par une identification du positionnement de nos laboratoires et de nos composantes vis-à-vis du monde de l’entreprise et par une identification des besoins de celles-ci. Il s’agit de penser des rencontres, de réfléchir à de nouveaux modèles de valorisation de la recherche ou de transmission des savoirs et savoirs-faire que nous produisons.
Pour les entreprises que nous rencontrons, l’université est un partenaire de qualité, une organisation au sein de laquelle tout fait l’objet d’une certification : recrutement de son personnel (sur des critères scientifiques et pédagogiques), organisation de ses formations et diplômes, conduite de ses activités de recherche.
Nous offrons de réelles garanties en terme d’accueil des étudiant·e·s et des travaux de recherche.
Nous offrons de réelles garanties en terme d’accueil des étudiant·es et des travaux de recherche. Les entreprises ont par exemple adhéré au modèle d’insertion sociale par l’insertion professionnelle qui s’est construit à l’IUT et y voient un réel atout pour elles.
En Seine Saint Denis, terre de PME, les entreprises ont par exemple du mal à accéder à l’innovation ou à la formation : nous leur offrons cette possibilité et pouvons les accompagner dans leur développement. Il faut aussi aller convaincre les collègues de l’université.
Partenariats
Des partenariats sont possibles dans de nombreux domaines. Par exemple dans le domaine de la santé publique, nous réussissons à élaborer une formation de médiation en santé : le patient acquiert des compétences par le traitement et peut devenir médiateur. On le forme et il va pouvoir accueillir celles et ceux qui entrent dans un traitement. Dans ce cas les partenaires de notre Laboratoire Éducation et Pratiques de Santé sont l’OMS, l’APHP et les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI).
Quel regard portes-tu sur ton université ?
Paris 13 est une université de 24 000 étudiant·e·s qui tente de concilier deux exigences possibles. Celles de l’excellence et celle de l’insertion. Elle cherche à construire ce que je pourrais appeler une université de recherche inclusive. Un enseignant-chercheur peut à la fois y monter un projet européen et enseigner en DUT. Appartenir à un laboratoire médaillé Fields et faire cours à l’IUT de Villetaneuse. La mission d’insertion professionnelle des 3 IUT de l’université est prégnante, ainsi qu’un engagement dans le transfert de leur recherche vers la société.
Nous cherchons à construire ce que je pourrais appeler une université de recherche inclusive.
La difficulté est qu’on ne sent pas vraiment de soutien politique de ce côté. C’est un modèle qui ne semble pas encore pensé. Pourtant peu d’institutions ou organisations accueillent un public aussi large que l’université, en fournissant un service de cette qualité. Diplômes, recrutement, activités de recherche. Autant de garanties pour la société et les acteurs économiques. Il faut juste pouvoir y concilier l’autonomie financière avec nos missions fondamentales.
Le besoin de se projeter dans un avenir
Ce qui pose également problème aujourd’hui, c’est cette impression de manquer de temps pour se projeter dans un avenir. Les agents ne savent plus où donner de la tête pour faire face aux demandes. Il y a un vrai manque de reconnaissance pour les missions que rendent nos universités. Et les moments collectifs sont trop rares. Si quelque chose pêche à l’heure actuelle dans nos universités, c’est clairement la gestion de nos ressources humaines, trop souvent appréhendée sous le seul angle budgétaire et non sous celui de leur valorisation : plus que les équipements, c’est pourtant la principale richesse de nos établissements.
Pour en savoir plus :
Ce reportage a été publié dans le numéro 44 de Quoi de Neuf, la revue francilienne des Sgen-CFDT, consacré aux questions liées à l’autonomie : QDN 44 juin 2018 Autonomie
N’hésitez pas à contacter les militantes et militant dus Sgen-CFDT !