L’autonomie des universités est fréquemment remise en cause, en référence à un âge d’or : avant cette autonomie, les universités n’avaient pas de problèmes financiers, et c’est le passage aux RCE qui est à la source de tous leurs problèmes. Mais c’est avoir la mémoire bien courte…
RAPPELONS QU’AVANT LES RESPONSABILITÉS ET COMPÉTENCES ÉLARGIES [1] :
- Le financement des projets passait aussi par la négociation avec la tutelle via les contrats quadriennaux.
- Les établissements pouvaient faire des demandes de postes… mais ce qu’ils obtenaient ne correspondait pas nécessairement à leur demande !
- Certains établissements étaient déjà sous tutelle du rectorat (Montpellier 3 Paul Valéry au début des années 20O1, par exemple). Et actuellement, les établissements ne sont pas tous en difficulté financière.
Ce qui permet de relativiser la notion d’âge d’or…
A L’HEURE DES CHOIX STRATÉGIQUES
L’augmentation des effectifs d’étudiant.es se traduit effectivement par des situations plus complexes, dans la mesure où les crédits alloués n’ont pas augmenté dans la même proportion, mais le lien avec les RCE n’est pas évident !
Les finances de l’État auraient certainement imposé des choix difficiles, en l’absence d’autonomie. La différence est que ces choix stratégiques sont désormais aux mains des équipes de direction, ce qui suppose une vraie vision de ce que sera l’université, dans son territoire et dans l’avenir. On peut d’ailleurs penser qu’elles sont mieux placées pour piloter leur établissement qu’un ministère lointain et déconnecté des réalités du terrain.
Cela n’exclut pas bien sûr la mise en place d’un véritable dialogue au sein des universités, entre la direction et les personnels !
De fait, ce ne sont pas tant les RCE que les modalités du transfert correspondant qui sont en cause. Avec une masse salariale qui représente plus de 80 % du budget des établissements, une phase de transition eût été nécessaire.
En particulier, l’évolution des salaires, et notamment les effets liés à l’ancienneté, a été fortement sous-évaluée (de 40 à 50 millions d’euros par an), ce qui, cumulé au fil des ans, représente un manque de plus de 350 millions d’euros.
L’augmentation de la masse salariale liée au GVT (Glissement Vieillesse Technicité) doit donc être totalement compensée (alors qu’il n’y a eu que quelques compensations partielles). La compensation dans le temps [2] ne suffit pas, parce qu’elle ne peut en aucun cas résoudre les difficultés d’aujourd’hui. De même, les hausses du point d’indice, les revalorisations de primes, doivent être prises en compte.
UNE AUTONOMIE RÉGULÉE DANS LE CADRE D’UNE POLITIQUE PUBLIQUE
L’université demeure un opérateur de l’État et en ce sens, elle contribue à la stratégie nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche. Par conséquent, cette autonomie ne dédouane pas l’État d’une politique cohérente. Non seulement celui-ci doit compenser le GVT, mais il doit aussi et surtout réaliser une analyse globale : l’affectation des moyens aux établissements au travers d’un véritable modèle est la seule garantie d’un financement équitable.
Enfin, l’autonomie des établissements ne peut s’exercer sans aucun contrôle de l’autorité de tutelle : il s’agit de politique publique, et à ce titre, l’État a son mot à dire sur les politiques menées par les universités. Par exemple, l’augmentation des droits d’inscription proposée actuellement par plusieurs candidats à la présidentielle relève de ce périmètre, car elle modifierait profondément la mission de service public des établissements.
Ainsi, l’autonomie accrue des Universités dans le cadre des RCE ne doit pas signifier un désengagement complet de l’État. Celui-ci doit définir le cadre général, et ensuite, il appartient aux établissements de trouver les meilleurs moyens de conjuguer cette politique publique au niveau local.
[1]
RCE : Responsabilités et Compétences Élargies (gestion de la masse salariale, du budget et stratégie de l’établissement)
[2]
L’augmentation de la masse salariale liée au GVT (Glissement Vieillesse Technicité) suit un cycle temporel : pour une université qui a des professeurs en fin de carrière le GVT a des effets importants, mais à leur départ à la retraite, elle va recruter des enseignants a priori plutôt jeunes, et donc les effets du GVT seront plus réduits. Il y aura donc compensation dans le temps.