Depuis 2007, les universités jouissent d’une large capacité de décisions. Comment informer la communauté universitaire de l'établissement et l'associer à la gouvernance ? Quel rôle doit jouer la présidence ? Quels sont les contre-pouvoirs ?
Les universités ont désormais une large autonomie
Depuis 2007, les universités jouissent d’une large capacité de décisions sur des questions souvent complexes (budget, gestion des emplois…), et il est vital qu’elles soient comprises, et si possible partagées, par la communauté universitaire de l’établissement.
Pour y parvenir, il faut tout d’abord s’assurer de la compréhension des enjeux par l’ensemble de la communauté comme par ses représentants dans les instances : faire précéder une délibération importante de l’étude « à blanc » de la question lors de la séance précédente, afin que tous aient le temps, par exemple, de procéder aux consultations nécessaires.
Il faut également laisser les organisations représentatives communiquer librement les informations aux personnels, dans le respect bien sûr d’une charte déontologique. Une information, même critique, vaut mieux que pas d’information du tout. Ensuite, des procédures transparentes doivent être mises en place, notamment en ce qui concerne les questions relatives aux carrières et à la vie de chacun dans l’établissement. Enfin, il ne faut jamais négliger les temps de convivialité et les lieux d’échanges informels.
Pascal Olivard, président de l’université Bretagne Loire
Convaincre, créer des consensus (non « mous ») et rassurer sont autant de défis à relever !
L’université Bretagne Loire (UBL) est la plus grande communauté d’universités et établissements (ComUE) de France (27 membres). Elle couvre la Bretagne et les Pays de la Loire. Les villes et agglomérations sont très attentives à l’avenir de leur appareil d’ESR, dans un contexte concurrentiel où le programme d’investissement d’avenir (PIA) suscite espoirs et craintes.
Le pôle métropolitain Loire Bretagne (PMLB) est un interlocuteur privilégié qui considère l’UBL comme une structure sur laquelle s’appuyer. La relation aux régions est plus complexe, car dépasser les logiques de concurrence et porter des ambitions partagées sur deux régions est difficile, ce qui constitue un frein au déploiement de l’UBL. S’il y a pourtant un domaine où, au regard des forces en présence et de la mondialisation, la concurrence devrait laisser la place à la coopération, c’est bien celui de l’ESR…
L’UBL a été conçue selon un modèle fédéral respectant l’autonomie des membres, tout en répondant à l’obligation de coordination territoriale. C’est une alchimie particulière à réaliser. Convaincre, créer des consensus (non « mous ») et rassurer sont autant de défis à relever ! La gouvernance imposée par la loi n’est pas seule responsable des inerties parfois constatées. Le manque de volonté de certains acteurs, opposant intérêts propres et intérêts collectifs, l’est tout autant.
Matthieu Gallou, président de l’université Bretagne occidentale
Il n’y pas de réussite universitaire sans un bon degré de coordination, sans cohérence entre les projets des établissements au service d’une politique nationale et européenne…
»Un président d’université, c’est le berger d’un troupeau de chats ». En qualifiant ainsi ses fonctions, un ancien confrère pointait un double aspect de la réalité de l’enseignement supérieur public aujourd’hui.
D’une part, la gouvernance dans l’enseignement supérieur doit s’atteler à une tâche simple à décrire mais difficile à construire : diriger une communauté d’esprits libres, volontiers indépendants et toujours prompts à défendre cette liberté académique. Car il n’est pas de recherche féconde sans liberté de chercher, de concevoir puis de tester une hypothèse ; mais il n’est pas non plus de recherche féconde sans capacité à travailler en équipe, à fédérer les énergies individuelles autour d’un projet commun.
De même, il n’y a pas d’enseignement vraiment supérieur sans liberté pédagogique, sans cette capacité de faire vivre son cours, de le nourrir de sa propre vivacité intellectuelle, de son propre esprit critique ; mais il n’y a pas non plus d’offre de formation cohérente et réellement formatrice sans mise en cohérence, sans travail collectif, sans écoute de l’autre, et avant tout des étudiants.
À cette première réalité s’ajoute aujourd’hui une seconde : il n’y a pas d’enseignement supérieur ni de recherche de haut niveau sans autonomie des établissements ; mais il n’y pas non plus de réussite universitaire sans un bon degré de coordination, sans cohérence entre les projets des établissements au service d’une politique nationale et européenne à la hauteur de ses missions.
Face aux établissements, l’État doit donc aussi se comporter comme le berger de cet autre troupeau de chats. Osons, pour conclure, parodier un mot célèbre de Camus : il faut imaginer les chats heureux.
L’avis du Sgen-CFDT
Démocratiser la gouvernance, c’est créer des contre-pouvoirs en confiant aux instances de réelles compétences…
La gouvernance des universités est construite autour d’un président et d’une équipe de vice-présidents chargés de mettre en œuvre le programme pour lequel ils ont été élus, en s’appuyant sur un conseil d’administration acquis. Ce système peut conduire à une ultra-présidentialisation.
Pour le Sgen-CFDT, démocratiser la gouvernance, c’est créer des contre-pouvoirs en confiant aux instances (conseil d’administration, conseil académique) de réelles compétences, différentes et complémentaires.
Lors des discussions sur la loi ESR de juillet 2013, le Sgen-CFDT a proposé la création d’un conseil académique, compétent en matière d’organisation pédagogique notamment. Nous avons aussi proposé de réduire au maximum la prime majoritaire et de représenter de façon plus équilibrée et plus importante les différentes catégories de personnels et les étudiants.
Enfin, si les Prag ont maintenant accès aux fonctions de président (c’est le cas à l’université de Bretagne occidentale), qu’en est-il pour les autres catégories de personnels ?