La voie professionnelle en France a été l'objet d'un premier temps de réflexion lors de l'AG des Sgen-CFDT du 23 au 25 février. Quels leviers pour rendre le système d'éducation plus performant et plus juste ?
Par
, économiste du travail (lire ci-dessous).L’enseignement professionnel dans le cycle secondaire a été considérablement modifié avec les deux dernières réformes. D’une part, la réforme de 2008 a conduit à homogénéiser la durée des études menant au baccalauréat. D’autre part, la réforme de 2018 a modifié les circuits de financement de l’apprentissage.
Aujourd’hui, deux diplômes professionnels peuvent être obtenus, sous statut scolaire ou par apprentissage :
– le certificat d’aptitude professionnelle (CAP), premier niveau de certification, en perte de vitesse au profit du baccalauréat professionnel.
– Le Bac Pro accueille un peu plus de 500 000 élèves (de la seconde professionnelle à la terminale professionnelle). Cela représente environ 40 % des élèves qui s’engagent dans le second cycle de l’enseignement secondaire.
les entrées en seconde professionnelle ne cessent […] de baisser.
Si le début des années 2010 a vu un essor du baccalauréat professionnel, les effectifs d’élèves ont depuis lors connu une baisse régulière jusqu’à une stabilisation en 2020, alors même que les entrées en seconde professionnelle ne cessent, elles, de baisser. À la rentrée 2020, 23 % des élèves de classes de troisième ont intégré une formation professionnelle (davantage en seconde professionnelle qu’en CAP).
La voie professionnelle en France souffre d’un déficit d’image
Dans le système d’éducation, la voie professionnelle occupe généralement la troisième place en termes d’image. Les élèves et les familles privilégient les voies technologiques et générales. Souvent perçue comme une orientation par défaut après la classe de 3e, encore trop souvent appuyée par des résultats scolaires insuffisants pour poursuivre dans le technologique ou le général, l’orientation « en pro » reste encore trop souvent subie. Concentrant plus d’élèves avec du retard scolaire, la voie professionnelle garde également l’image de formations dans lesquelles les inégalités sociales persistent : plus d’un élève sur 2 est enfant d’ouvrier, retraité ou inactif contre 1 sur 3 en formation technologique ou générale.
Le bac pro est le diplôme auquel on demande le plus parmi les trois types de bac : insertion sur le marché du travail pour certains, poursuite d’études pour d’autres, logique de formation tout au long de la vie.
La réforme du bac pro a vraisemblablement amélioré l’image de la voie professionnelle, en délivrant un bac comme dans les autres filières. Mais la question de la poursuite d’études après ce bac se pose.
Ce diplôme professionnel, conçu à l’origine pour conduire à l’exercice d’un métier, ne cesse d’être mis en tension par les évolutions de la politique éducative vers une ouverture souhaitée plus forte vers l’enseignement supérieur. Aujourd’hui, 6 bacheliers sur 10 poursuivent leurs études, dont la moitié en sections de technicien supérieur-STS (2/3 par voie scolaire, 1/3 par apprentissage) ; peu poursuivent en licence (7 %) et le taux d’abandon y reste élevé.
Nouveaux enjeux de la voie professionnelle en France
Le bac pro est le diplôme auquel on demande le plus parmi les trois types de bac : à la fois être en capacité d’assurer une insertion sur le marché du travail pour ceux qui souhaitent arrêter leurs études, et être en capacité de poursuivre des études, dans une logique de formation tout au long de la vie.
Ce paradoxe, ou plutôt cette mise en tension, a fait émerger de nouveaux enjeux autour du positionnement du bac pro dans le système éducatif. Lui donner davantage de légitimité au regard de la poursuite d’études – sous-entendu « comme les autres bacs » – pose la question du renforcement de la composante générale dans une logique de socle commun dans le secondaire (rapport Bréhier 2015).
Pour améliorer l’image de la voie professionnelle, faut-il faciliter davantage l’accès à l’enseignement supérieur ? À quelles conditions ? Par ailleurs, pour accroitre l’attrait de la formation professionnelle, faut-il penser différemment l’acquisition des diplômes professionnels ? Quid de la flexibilité et de la modularisation ? Que penser des blocs de compétences, voire des micro certifications ? Faut-il réduire l’offre de formation, jugée pléthorique au risque d’être illisible pour les futurs élèves mais aussi pour les futurs recruteurs ?
Communiquer sur ce qui fonctionne. Un exemple ? L’insertion à la sortie des formations industrielles presqu’aussi bonne que certaines formations de l’enseignement supérieur
Regarder autour de nous pour s’inspirer de ce qui fonctionne
Des exemples de pays européens sont intéressants pour stimuler la réflexion :
- Norvège et Suède : les élèves des voies professionnelles et générales suivent des cours communs.
- Royaume-Uni : les systèmes de crédits se sont développés de façon intensive, avec une logique assez poussée de formation à la carte, très individualisée.
- Portugal : la modularisation des certifications professionnelles a réduit les abandons en cours de formation.
En France, les politiques éducatives ont plutôt concentré leurs efforts sur le développement de l’apprentissage. L’objectif visé est l’amélioration de l’attractivité de la voie professionnelle. Les incitations fiscales généreuses et l’ouverture de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur donnent de bons résultats. La progression de l’apprentissage (495 000 contrats en 2020 contre 350 000 en 2019) concerne principalement l’enseignement supérieur. Or on pourrait penser que l’apprentissage serait plus utile pour les jeunes n’ayant pas encore le bac. Ces jeunes ont plus de difficultés d’insertion que les jeunes qui suivent des études supérieures.
L’orientation demeure l’enjeu des politiques éducatives.
Enfin, communiquer plus clairement sur le potentiel d’insertion des formations professionnelles au niveau secondaire améliorerait l’image de la voie pro. Pour les formations industrielles, on observe des indicateurs d’insertion au moins aussi bon que certaines formations de l’enseignement supérieur. Il n’en reste pas moins que l’orientation demeure l’enjeu des politiques éducatives.
Un extrait de son texte (que vous pouvez retrouver sur son site : IR2) a paru dans le no 284 – Mars-avril 2022 de Profession Éducation, le magazine du Sgen-CFDT.