Comme souvent hélas, c'est en réaction à un événement qu'un gouvernement annonce un plan de lutte contre les violences à l’École. La communication politique prend le pas sur l'analyse et la construction de réponses institutionnelles à la hauteur des enjeux.
Comme souvent hélas, c’est en réaction à un événement qu’un gouvernement annonce un plan de lutte contre les violences à l’École. Résultat, la communication politique prend le pas sur l’analyse et la construction de réponses institutionnelles à la hauteur des attentes des personnels et des enjeux complexes posés par les comportements violents et inacceptables de certains élèves.
Accompagner les personnels victimes : ce que revendique le Sgen-CFDT
De trop nombreux collègues ne se sentent pas soutenu.e.s par les autorités de l’Éducation nationale lorsqu’il.elle.s sont victimes de violences verbales ou physiques. Ce sentiment d’isolement et d’absence de soutien a été médiatisé après que de nombreux collègues ont témoigné avec le #PasDeVague dans les jours qui ont suivi la grave attaque dont a été victime une collègue.
Les militant.e.s syndicaux qui ont eu à accompagner des collègues victimes connaissent malheureusement cet état de fait. Au Sgen-CFDT, syndicat général, nous savons que cela peut concerner aussi bien les personnels d’enseignement, d’éducation, psychologues de l’Éducation nationale, les personnels de santé ou de service social , les personnels administratifs que les personnels de direction. Chacun.e peut être confronté.e à une réponse institutionnelle insuffisante.
Notre expérience de l’accompagnement de collègues nous amène à constater qu’il existe des dispositifs institutionnels qui ne sont pas mobilisés de manière assez systématique. Notre expérience nous enseigne aussi que certaines insultes sont parfois minorées comme elles le sont dans l’ensemble de la société (par exemple, les insultes à caractère sexiste et homophobe). Il faut donc aussi une sensibilisation et une formation afin que ces faits ne soient pas minorés voire niés.
Accompagner les personnels victimes suppose :
- une écoute réelle par l’encadrement de proximité, par une cellule psychologique le cas échéant
- l’activation rapide de la protection fonctionnelle, l’administration doit la proposer à l’agent plutôt que d’attendre qu’il ou elle la sollicite
- l’accompagnement par l’État employeur de l’agent dans toutes ses démarches juridiques, administratives, sanitaires et médicales
- des cellules d’écoute hors chaine hiérarchique pour limiter le risque d’autocensure des victimes ou d’attentisme de l’encadrement de proximité.
Pour que ces dispositifs et procédures soient effectifs, les circulaires ne suffiront pas. Il faut former tous les personnels et rendre facilement accessibles les coordonnées de services ressources.
Mettre la démarche éducative au cœur d’une politique de fond
Pour lutter contre les violences scolaires qu’elles soient verbales ou physiques contre les personnes (élèves et personnels de toutes catégories), il faut s’attacher à connaître les causes profondes de ce phénomène. Cela ne signifie pas justifier ou excuser mais comprendre pour actionner les leviers pertinents pour lutter contre.
Pour le Sgen-CFDT, il faut agir sans renoncer au principe humaniste d’éducabilité de toutes et tous qui doit rester au cœur de la mission de l’École. La sanction disciplinaire a sa place à l’école et doit toujours s’articuler à une volonté éducative.
Des faits commis dans le cadre scolaire peuvent relever de l’action de la justice, voire de sanctions pénales en utilisant les outils légaux à disposition des juges, en tenant compte de l’âge des élèves mis en cause et donc en respectant l’esprit de la justice des mineurs.
Agir efficacement oblige aussi à s’interroger sur l’efficacité des sanctions et des dispositifs mis en place à la fois en terme de sécurité des établissements et de respect de celles et ceux qui y travaillent et étudient, mais aussi en termes de préparation de l’avenir des jeunes qui ont été sanctionnés. De ce point de vue, on se souvient du rapport plus que critique sur les établissements de réinsertion scolaire. Évitons de répéter les mêmes erreurs parfois fort coûteuses et ce au détriment d’autres leviers pertinents.
Soutenir les écoles et établissements avec des équipes pluriprofessionnelles complètes
Prévenir et lutter contre les violences dans les établissements scolaires suppose que des équipes pluriprofessionnelles y soient effectivement à l’œuvre. Dans trop d’établissements, il n’y a pas, ou pas assez de personnels d’éducation, d’assistant.e.s de service social et de personnels de santé dont l’action éducative au côté des enseignant.e.s est précieuse. Précieuse pour assurer le suivi d’élèves qui sont parfois dans des situations de précarité et de fragilité telles qu’il est important pour elles et eux de pouvoir trouver une écoute, de pouvoir exprimer des difficultés, des tensions. Ces professionnel.le.s sont aussi les mieux à même d’assurer le suivi des élèves en partenariat avec d’autres services publics et ainsi mieux suivre leur scolarité, la continuité de leur scolarité et parfois prévenir les débordements, travailler avec l’équipe enseignante aussi bien pour ajuster ce qui peut l’être que pour structurer les sanctions et leur accompagnement éducatif.
Rien ne sert de caresser la partie de l’opinion publique qui ne croit qu’à la répression
Après les faits graves et inacceptables dont a été victime une enseignante d’un lycée de Créteil, les tenant.e.s du tout répressifs trouvent tribune ouverte. Tenter de les satisfaire est inutile car leur soif de répression ne saurait être assouvie. Par ailleurs, cette logique de surenchère amène souvent à caricaturer la réalité du travail en cours. Ainsi, les relations entre l’Éducation nationale, la police et la justice sont déjà encadrées et structurées par des protocoles. Un établissement qui estime avoir besoin de l’intervention de policier.ère.s ou gendarmes pour de la prévention ou pour le maintien de l’ordre peut déjà le faire. Lorsque les forces de l’ordre ont connaissance de troubles à l’ordre public qui pourraient viser des établissements scolaires, elles avertissent déjà les établissements.
Les personnels ont moins besoin de communication externe que d’actions en vue d’améliorer les services publics, chacun dans leurs compétences, et de politiques ambitieuses en faveur de la jeunesse, de toutes les jeunesses. De ce point de vue, l’École ne peut pas tout toute seule. Il faut aussi une politique de la ville ambitieuse, et rechercher plus de mixité sociale dans les établissements scolaires. Or le gouvernement actuel fait peu sur ces questions. Alors qu’il s’apprête à financer un coûteux service national universel, d’autres dépenses en faveur de la jeunesse seraient plus utiles.