Au milieu de l’automne alors que le sujet de l’activité physique ne soulève pas les foules, un rapport visant à promouvoir l’activité physique et sportive pour tous, tout au long de la vie est sorti.
Ce rapport présente les conclusions de la mission confiée le 21 octobre 2015 par le Premier Ministre aux députés Pascal DEGUILHEM et Régis JUANICO, en vue « d’encourager et de créer les conditions favorisant la pratique d’une activité physique et sportive tout au long de la vie ». (…)
Le Sgen-CFDT réagit en repositionnant la place du corps et de l’EPS et en réinterrogeant certaines des 54 propositions.
Pour bien comprendre...
- Un rapport sur les activités physiques dans et hors de l'école : enjeux de santé et de cohésion sociale affichées en creux
- Des propositions intéressantes mais des limites importantes : usage unique du terme Sport et métiers du sport, et absence de questionnement sur l'activité physique dans la vie professionnelle.
- 54 propositions dont certaines sont requestionnées par le Sgen-Cfdt.
Au milieu de l’automne alors que le sujet de l’activité physique ne soulève pas les foules, un rapport visant à promouvoir l’activité physique et sportive pour tous, tout au long de la vie est sorti.
Ce rapport présente les conclusions de la mission confiée le 21 octobre 2015 par le Premier Ministre aux députés Pascal DEGUILHEM et Régis JUANICO, en vue « d’encourager et de créer les conditions favorisant la pratique d’une activité physique et sportive tout au long de la vie ». (…)
Pourquoi ce rapport?
Les visées annoncées ne sont pas directement tournées vers la motricité des enfants, le plaisir de leurs expériences motrices, le développement de leur coordination… mais ce sont bien les enjeux de santé publique et de cohésion sociale qui semblent avoir motivés ce rapport.
Il s’agit d’encourager la pratique pour le plus grand nombre, et d’éviter le décrochage qui a souvent lieu à l’adolescence… D’où un questionnement sur les modalités de continuité des pratiques, la diversification de l’offre, l’équité d’accès.
Ce rapport implique donc les acteurs et structures qui interviennent dans les écoles, collège, lycée, université, les associations et les fédérations sportives.
Pourquoi le Sgen réagit?
Le Sgen-CFDT s’intéresse à la place du corps dans l’éducation, et à la complémentarité des espaces éducatifs qui peuvent être proposés aux enfants. Il accorde en outre une importance à la santé et qualité de vie au travail, ce qui rend la place du corps et de l’activité là aussi primordiale.
Ce type de rapport apporte des éléments de compréhension et d’analyse intéressants, basés sur un travail important d’enquêtes et de recueils de données de terrain. En outre les préconisations, portant sur l’enfant ou le jeune adultes, prises indépendamment, sont pour la plupart pertinentes.
Mais pour le Sgen-CFDT, la rédaction de ce rapport fait apparaître deux écueils majeurs qui nous semblent limiter sa portée.
– La confusion (au mieux) sémantique qui amène les rapporteurs à réduire les questions relatives à la place du corps, en un grand ensemble “le sport” et les métiers qui vont avec, sans discernement de finalités, d’enjeux, d’acteurs…
– L’absence de traitement de la question de l’activité physique pendant la période professionnelle, voire post-professionelle, alors même que le rapport porte dans son intitulé “tout au long de la vie”.
Première limite : l’emploi exclusif du terme « sport » ou « acteurs du sport », « métiers du sport », pour décrire des réalités, et des enjeux de formation, de public, de développement etc. souvent bien différents.
Enseignant d’EPS est un métier du sport ou de l’éducation?
Chaque acteur et structure sont essentielles au développement de l’enfant, mais elles ne visent pas les mêmes objectifs, ne les touchent pas tous, et pas au mêmes âges. Il convient de ne pas faire d’amalgame. Une réelle analyse des termes, de leurs enjeux etc. auraient du être faite.
Si le mot sport, mentionné entre guillemet, est défini en début de rapport dans une acceptation large de l’activité physique, il n’en reste pas moins que l’activité physique ne se résume pas au sport, que les activités physique artistiques sont totalement occultées du rapport, que l’EPS se distingue des Activités physiques (AP), des Activités physiques et Sportives (APS), des Activités physiques Sportives et artistiques (APSA) et du sport.
Le sport, porteur a priori de valeurs éducatives?
Un certain regard critique sur les pratiques sportives, leurs médiatisations, la discrimination homme-femme, sur les fausses évidences pratiques compétitives – cohésion sociale… auraient permis entre autre, un état des lieux plus juste et responsable sur ce même sport.
Les pratiques physiques scolaires comme vivier des fédérations?
En outre les passerelles et complémentarités affichées comme des évidences entre monde scolaire et monde du haut niveau, auraient gagné à être interrogées. La proposition de partage des fichiers etc. pose elle d’autres questions éthiques qui ne semblent pas être évoquées ici.
Promouvoir la place du sport ou du corps? Ou parler de l’humain dans notre société…
Parler du « corps » plus que du sport, aurait permis de prendre compte l’ensemble des pratiques de chacun, et d’ouvrir les enjeux de notre rapport au monde via cet engagement corporel et humain. Parler du corps, de l’artistique, du sensible, du risque, de l’altérité… (donc des APSA et non des APS), ouvre le champ de la culture, de l’éducation, de l’émancipation, de façon selon nous plus intéressante, en allant au delà de la visée « compensatrice de l’activité physique », aux “maux de la société, bien réelle pour autant qui sont mis en avant dans ce rapport. Et si ces visées sanitaire et de cheminement vers la construction de ce qui nous unis, doit être traitée, il faut l’envisager dans sa globalité sociétale et éducative, au delà des APS… Compenser la malbouffe, la sédentarité, les jeux vidéo, l’individualisme soci-économique, les dérives de la compétition acharnée, le manque d’identité nationale, la perte de sens des valeurs de fraternité, le manque de concentration, les corps stéréotypés …. demandera une réflexion globale et d’ampleur.
Seconde limite : Quand parle t-on des « activités physiques pour tous, à tous les âges de la vie »?
Tout au long de la vie, cela veut dire pendant la période d’activité professionnelle. Hors il n’y a pas un mot sur le corps, le sport et les APSA en entreprise. Il aurait été judicieux de regarder cet aspect des choses. C’est une énorme lacune dans le rapport ou à penser que la sphère de l’entreprise est intouchable ou totalement exclue de contraintes de ce type.
La position et les interrogations du Sgen-Cfdt sur certaines propositions.
En terme d’éducation, nous retiendrons les propositions qui peuvent aller dans le sens d’une EPS plus présente dans les établissements premiers et second degré, favorisant la transversalité et le vécu d’expérience motrices et humaines variées. Nous retenons la volonté d’harmoniser et de renforcer les associations sportives scolaires, d’impacter sur le savoir nager; la volonté de favoriser la pratique physiques chez les lycéens et les étudiants, qui s’en écartent, parfois de façon contrainte; la volonté que les collectivités s’accordent dans leur offre, sur les installations… Des focus sur certaines initiatives du monde fédéral et territorial sont présentés en fin de rapport
Certains thèmes nous conduisent cependant à des questionnements.
L’emploi du temps d’un lycéen lui permet-il réellement de consacrer deux heures par jour à une activité physique et culturelle?
Nous partageons le constat sur l’importance, à cet âge de continuer la pratique physique, mais il paraît nécessaire de questionner : l’emploi du temps des lycéens, le travail à la maison, les temps de transport…. Comme pour les étudiants, leur travail scolaire et leurs horaires, voire leur “job”, sont souvent peu compatibles avec des activités extérieures physiques et/ou culturelles. Des études sur la chronobiologie de l’adolescent devraient en outre être prises comme point de réflexion pour avancer sur ces points.
Le premier degré : réflexion sur les horaires d’EPS et/ou des pratiques corporelles?
Il conviendrait de repenser le temps moteur de façon plus globale, avec les récréations, les jeux… Repenser la journée, incluant les temps réels de mouvement et déplacement, de jeux, de détente, … (Des collègues premier degré mettent par exemple en place des temps de relaxation, de transition corporelle entre deux séances)
Cette problématique engage certes celle des rythmes (comme le montre le rapport, il y a eu une baisse d’enseignement de l’EPS) mais questionne aussi le fait que les Professeurs des Ecoles (PE) doivent aborder de plus en plus de points sur l’année et le cycle.
La question du déficit de la formation EPS dans le Master métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (MEEF) est également souligné avec intérêt.
L’USEP (Union Sportive des écoles primaires) : des intentions, des moyens mais aussi du temps
Le rapport propose un renforcement des USEP, à l’image des associations sportives (AS), dans toutes les écoles, et le fait que les enseignants soient payés en HSE (heures supplémentaires effectives). Il nous semble que pour proposer cette initiative, il convient de soulever en amont plusieurs points:
a) Les budgets d’école ne permettent pas toujours de s’affilier à l’USEP (contrairement au second degré, les élèves, la plupart de temps, ne cotisent pas pour être licenciés).
b) les enseignants sont bénévoles. Il s’agit de ne pas confondre bénévolat et militantisme… et ne pas non plus tout faire reposer sur des HSE… Le nerf de la guerre n’est plus seulement l’argent, mais le temps. Si l’on considère l’activté physique comme une priorité, il faudra dégager des heures pour cela.
Quelle pertinence d’un parcours “sportif”, quelle place dans l’école?
L’EPS n’a jamais été aussi présente dans le socle, mais le corps, et l’activité motrice adaptative de l’enfant n’est effectivement pas explicitement présente dans les compétences. Est-ce constat qui invite ces rapporteurs à imaginer en plus des autres parcours scolaire, un « parcours sportifs »?
En outre quel lien est-il envisagé avec le PEAC (parcours d’enseignement artistique et culturel) ? Qu’est-ce qui fait corps et qui ne serait pas culture…?
Il serait également important d’être vigilant quant à l’empilement des dispositifs de suivi et des modalités de valorisation des parcours : orientation, santé, artistique, citoyen.
La question du livret citoyen : pour quoi et pour qui…?
Vigilance également sur l’utilisation des données de ce livret “citoyen” qui inclurait le parcours sportif… Est-ce que l’usage anonyme sera conservé pour des études à grande échelle? Est-ce que nous en resterons à l’idée de parcours personnels ou irons nous vers une hiérarchisation et une comparaison des parcours? Comment se préserver du risque d’une part d’un usage discriminant des données (qui pourraient être reprises au niveau des organismes de santé, ou de subventions fédérales etc.) et d’autre part, de ne pas mettre les élèves les plus en difficulté, à l’écart de l’outil porte folio préconisé pour le suivi- qui implique d’autres compétences et un accompagnement familial.
STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) : des stages, oui, mais inscrits dans le cursus et ouvert aux différents champs professionnels
Le rapport propose que les étudiants Staps soient obligés d’effectuer un stage au Service Universitaire des Activités Physiques et Sportives (SUAPS) ou un club civil. Cette proposition nous interroge. Premièrement, tous les étudiants Staps ne se destinent pas à un “métier du Sport”, mais la plupart se destinent à un “métier de l’éducation”. Permettre en première année, comme ce qui peut se faire parfois, un stage en milieu scolaire et un stage en milieu sportif, suivi d’une analyse réflexive de ces deux milieux, pourrait aider les étudiants dans leurs choix d’orientation, et leur identité professionnelle.
En outre, ces stages doivent être intégrés aux maquettes du cursus, et ne pas s’ajouter encore et encore aux cours et attentes, déjà bien chargés.
Synthèse des préconisations du rapport