Tests standardisés pour les élèves au CP, en 6ème et maintenant en seconde…
Depuis l’arrivée de Jean-Michel Blanquer, l’Éducation nationale est soumise à une évaluationnite qui ne fait que commencer, tant on sent que certains rêvent de tests standardisés des élèves chaque année.
Pour le Sgen-CFDT, ce n’est pas une bonne nouvelle car la multiplication des évaluations standardisées entraîne le système éducatif dans le champ de la défiance et de la tension, loin des objectifs d’une école de la confiance.
Pour bien comprendre...
- Des intentions généreuses mais trop d'inconnues
- Une logique de défiance vis-à-vis du système éducatif
- Une réflexion indigente sur l’évaluation des élèves et des politiques éducatives
Les intentions affichées semblent généreuses…
À chaque annonce d’une nouvelle évaluation standardisée pour un niveau de classe, les intentions affichées sont les mêmes. Il s’agit d’évaluations diagnostiques destinées à aider tous les élèves à progresser. Comment ? En permettant aux enseignant·e·s de disposer d’un diagnostic indiscutable, car drapé de scientificité, de la maîtrise de connaissances et de compétences par leurs élèves. Ce diagnostic étant disponible tôt dans l’année, les enseignant·e·s pourraient s’en saisir pour orienter leur enseignement en fonction des besoins de leurs élèves.
Présentées ainsi, ces évaluations semblent peu critiquables… et pourtant, le Sgen-CFDT les critique.
…Mais il manque trop d’éléments pour qu’on puisse y croire vraiment.
Pourquoi utiliser des tests élaborés dans la précipitation ?
En juillet 2017, on nous disait rue de Grenelle que l’élaboration de tests standardisés fiables prenait pas loin d’une année complète… finalement, en moins de deux mois, celles de CP et de sixième étaient prêtes, et désormais, celles de seconde seront prêtes en moins d’un an. Précipitation pour montrer que l’on agit ?
Pourquoi imposer une remontée nationale des résultats ?
S’il s’agit d’évaluations strictement diagnostiques, donc à usage interne, pourquoi le ministère impose-t-il des remontées à l’échelon national ? Quel usage sera fait, par qui, et pour quoi faire de ces évaluations en dehors de la relation pédagogique de proximité ?
Pourquoi refuser aux équipes les moyens d’exploiter ces résultats ?
S’il s’agit d’évaluations diagnostiques dont les enseignant·e·s doivent se saisir pour ajuster leurs gestes professionnels, pourquoi n’ont-ils et elles pas eu partout les résultats de leurs élèves à la date où nous écrivons ? Pourquoi les équipes pédagogiques n’ont-elles pas disposé de temps pour analyser collectivement ces résultats ? Pourquoi ne disposent-elles pas d’un accompagnement professionnel collectif sur site, si elles le souhaitent, pour construire les adaptations nécessaires, la différenciation pédagogique au coeur de la classe ou, le cas échéant, des dispositifs temporaires et non stigmatisants pour les élèves ayant des besoins particuliers ?
Pourquoi limiter l’offre de remédiation ?
S’il s’agit d’évaluations diagnostiques pour que se mettent en œuvre les remédiations permettant à chaque élève de progresser, pourquoi à l’issue des tests de positionnement en français et en mathématiques en seconde, les seuls axes d’accompagnement prévus ne concernent-ils que l’expression écrite et orale en français ?
Si l’on prend au mot la communication ministérielle, force est de constater qu’il manque de nombreux éléments permettant d’y croire.
Le signe d’une défiance à tous les étages
Pour le Sgen-CFDT, ce qui est sans doute encore plus problématique dans cette logique d’évaluations standardisées des élèves chaque année (et c’était dans le programme à l’élection présidentielle de François Fillon plutôt que dans celui d’Emmanuel Macron), c’est qu’elle installe une défiance à tous les étages vis à vis du système éducatif.
Imposer de la rue de Grenelle des évaluations standardisées, cela signifie que le ministère ne donne pas sa confiance aux enseignant·e·s.
Négation des pratiques d’évaluation diagnostique existantes
C’est nier le fait que les enseignant·e·s ont d’ores et déjà des pratiques d’évaluation diagnostique. Dans bien des écoles et des établissements, ces pratiques sont travaillées collectivement, accompagnées par des formateur·trice·s et inspecteur·trice·s.
Négation de l’évaluation faites par les collègues des classes précédentes
C’est diffuser l’idée que l’on ne peut faire confiance au travail mené par les collègues des classes précédentes pour faire acquérir des compétences et connaissances aux élèves et en évaluer le niveau d’acquisition et de maîtrise.
À quoi bon remplir des livrets de compétences et autres bulletins scolaires puisque de toutes façons, il faudra des évaluations standardisées pour démarrer l’année suivante ?
Elles tournent le dos aux conseils écoles-collèges. Pour le Sgen-CFDT, il vaut mieux donner du temps aux équipes pour analyser ensemble les livrets scolaires, et mieux accompagner les élèves dans la transition parfois difficile entre l’école élémentaire et le collège.
Les professeur·e·s de collège valident les niveaux de maîtrise des items du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Les élèves de collège présentent le diplôme national du brevet, les professeur·e·s surveillent les épreuves, corrigent les copies, font passer des oraux… Tout cela n’a donc aucune utilité pour positionner les élèves en mathématiques et en maîtrise du français ?
Les évaluations diagnostiques ainsi conçues, c’est le ministère de la défiance et non celui de la confiance.
Pour le Sgen-CFDT, l’énergie et le temps de travail des professeur·e·s seraient mieux employés au service des élèves autrement que dans ces évaluations standardisées.
Le degré proche de zéro de la réflexion sur l’évaluation des élèves et des politiques éducatives
On va générer une tension forte que subiront les élèves et leurs familles
Annoncer ainsi des évaluations standardisées à chaque rentrée dans un niveau d’enseignement (et à terme chaque année scolaire), c’est générer une tension forte que subissent les élèves et leurs familles. On imagine aisément que dans certaines familles, la tentation sera grande de préparer les enfants à ces évaluations. Et certaines officines lucratives ne manqueront pas de proposer des stages de préparation des tests de rentrée.
Quand on connaît les travaux de recherche sur les effets de réputation qui inhibent les élèves ayant une faible estime de leurs performances scolaires, le risque est grand que ces temps solennels d’évaluation ne les mettent encore plus en difficulté. Ce ne sont certes pas des recherches en neurosciences, mais les résultats semblent robustes…
Quand on veut appuyer une politique éducative sur la recherche, on ne nie pas tout un pan de la recherche.
Et si l’objectif réel était d’évaluer le système éducatif et non les élèves ?
En fait, on peut imaginer que ces évaluations standardisées vont servir à évaluer le système éducatif, les écoles, les établissements, les professeur·e·s peut-être, dans les rêves les plus fous de la Cour des comptes.
Là aussi c’est faire peu de cas des recherches et des débats sur l’évaluation des politiques éducatives. L’université d’été du CNESCO portait pourtant sur le sujet en août 2017. Les universités savent distinguer évaluation d’une formation et évaluation des résultats des étudiant·e·s. Car oui, évaluer les politiques éducatives, c’est nécessaire. Mais évaluer les résultats scolaires des élèves ne suffit pas à évaluer le système éducatif.
Afin de rendre crédible une évaluation des politiques éducatives, il est indispensable de ne pas en faire une expertise technique comme un audit, un rapport d’inspection générale, ou un bilan. Pour le Sgen-CFDT, le temps de l’évaluation doit être partagé, collectif et suivre les principes définies par la Charte de la Société française d’évaluation.
En la matière, il importe que les critères et indicateurs d’évaluation soient eux mêmes discutés dès la phase de débat en amont.
L’évaluation des politiques publiques : un enjeu démocratique important
Par ailleurs, une véritable évaluation ne doit pas reposer uniquement sur la présentation d’une évaluation par les décideurs, mais aussi sur la capacité des personnels à dresser eux-mêmes des éléments d’évaluation, notamment par un large accès aux données publiques et à des modalités organisées de coproduction de l’évaluation. Cette évaluation doit renvoyer aux logiques de responsabilité (rendre des comptes) et d’amélioration/adaptation (se rendre compte).
L’enjeu démocratique de l’évaluation des politiques publiques correspond aux attentes des citoyens et citoyennes, soucieux de la légitimité de l’action publique à travers la demande d’information, de codécision, de participation à la vie démocratique.
Des agents et des usagers acteurs de la définition de l’intérêt général et engagés dans le processus d’évaluation…
L’évaluation des politiques éducatives doit donc s’inscrire dans un projet de refondation d’un pacte citoyen, qui ne se limite pas à l’information ni même à la consultation, mais qui entend placer les agents et usagers comme acteurs de la définition de l’intérêt général, engagés dans le processus d’évaluation, porteurs d’un jugement sur l’action publique, et en capacité de mesurer la prise en compte de leur engagement à travers les évolutions et transformations des politiques publiques.
La multiplication des évaluations standardisées entraîne le système éducatif dans le champ de la défiance et de la tension, loin des objectifs d’une école de la confiance.
Pour le Sgen-CFDT, les évaluations standardisées sont élaborées de manière non transparente, déployées de manière contraire aux objectifs affichés. Leur multiplication entraîne le système éducatif dans le champ de la défiance et de la tension, loin des objectifs d’une école de la confiance. Au passage elles minent la diffusion d’une culture de l’évaluation du système. Cette axe de la politique gouvernementale est donc délétère.