La création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ÉSPÉ), prévue par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013, a entériné la revendication du Sgen-CFDT qu’enseigner est un métier qui s’apprend dans le cadre d’une formation universitaire. Le dispositif de formation actuellement mis en œuvre dans les ÉSPÉ au sein des masters « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF) nécessite d’être stabilisé et renforcé. L’architecture et le cahier des charges de la formation et du recrutement des enseignant·es et des personnels d’éducation doivent être repensés.
Pour bien comprendre...
- Une formation universitaire de niveau master
- Une formation en alternance au sein du master MEEF
- Concours de recrutement : une nouvelle place pour de nouvelles épreuves
Une formation universitaire de niveau master
Dès 1966, à son congrès de Caen, le Sgen-CFDT revendique la création d’Instituts Universitaires de Pédagogie (IUP) pour former ensemble, au niveau licence, « les professeurs et les instituteurs ».
Le Sgen-CFDT accueille alors favorablement la « loi Jospin » d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 qui implique la création d’un Institut Universitaire de Formation des Maîtres (IUFM) dans chaque académie. Les niveaux de recrutement et de formation des enseignant·es du premier et du second degrés sont alignés. Mais l’universitarisation de la formation n’est pas satisfaisante : le statut d’établissement public à caractère administratif (EPA) isole trop les IUFM des universités, les conduit à reproduire les formules anciennes, les place dans la dépendance des autorités scolaires et leur interdit la délivrance de diplômes.
En 2005, la « loi Fillon » d’orientation et de programmation pour l’avenir de l’école prévoit l’intégration des IUFM aux universités. Les Instituts sont désormais des composantes à part entière de leur université de rattachement. Le 2 juillet 2010, la réforme de la Masterisation est adoptée. Elle entraine l’augmentation du niveau de qualification des enseignant·es qui seront désormais recruté·es à Bac +5 au lieu de Bac +3. La première réforme de la mastérisation est une fracture dans la formation initiale, elle modifie profondément les modalités de recrutement et de formation des enseignant·es et des CPE, et les premiers masters ne répondent pas aux enjeux de la professionnalisation.
La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 prévoit la création des Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation (ÉSPÉ). Ces nouvelles écoles sont toujours des composantes universitaires et organisent la formation initiale et continue des futur·es enseignant·es, en étroit partenariat avec les rectorats et les universités. Cette réforme modifie profondément la formation des enseignant·es qui bénéficient d’une année de Master 1 à l’ÉSPÉ et d’une année de Master 2 en alternance entre le statut d’étudiant·e au sein de l’ÉSPé et le statut de fonctionnaire-stagiaire exerçant en classe après réussite au concours.
Le Sgen-CFDT affirme que le dispositif de formation actuellement mis en œuvre dans les ÉSPÉ au sein des masters MEEF nécessite d’être stabilisé et renforcé.
Il sera particulièrement vigilant sur les points suivants :
- la gouvernance des ÉSPÉ ;
- la mobilisation des enseignant·es-chercheur·es sur les enjeux de l’adossement de la formation à la recherche ;
- le rapprochement des cultures et des intérêts des deux terrains de formation que sont l’université et l’établissement scolaire.
Le projet est bien de garantir à la fois une formation diplômante adossée à la recherche et une émancipation des personnels vis-à-vis de l’institution scolaire.
Une formation en alternance au sein du master MEEF
Le rétablissement d’une formation initiale basée sur le principe d’une alternance intégrative (alternance d’enseignements à l’université et de stages en établissements scolaires) doit contribuer à une meilleure articulation entre connaissances disciplinaires, savoirs didactiques et pédagogiques, compétences professionnelles. Des améliorations sont nécessaires :
- Le master aux métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (MEEF) doit permettre deux années consécutives de formation en alternance. Les modules de formation, adossés à la recherche en éducation, intègrent différents éléments constitutifs du métier de professeur et de CPE : modules communs pour l’acquisition des connaissances et des compétences transversales (« tronc commun ») ; modules spécifiques au type de métier, aux niveaux d’exercice, aux champs disciplinaires, aux transpositions didactiques et pédagogiques. L’écrit de recherche (mémoire de master ou travail scientifique de nature réflexive), permet une activité de recherche en relation avec les pratiques professionnelles. Des équipes pluri-catégorielles contribuent au rapprochement des terrains de formation (l’université et l’établissement).
- La mise en responsabilité est progressive pour se préparer à l’exercice du métier. Elle est nécessairement précédée de stages en observation puis en pratique accompagnée auprès de titulaires expérimenté·es. Les tuteur·trices de terrain bénéficient d’une formation à l’aide et à l’accompagnement des étudiant·es et des stagiaires. Un temps de décharge et une revalorisation indiciaire reconnaissent cet investissement.
- L’ensemble de la formation en alternance est rémunérée pour financer les études et permettre la mixité sociale. Les dispositifs expérimentaux des étudiant·es apprenti·es professeur·es (EAP) et des M1 contractuel·les alternant·es doivent pouvoir se généraliser. L’attribution de bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux doit être plus systématique. Le statut d’étudiant·e salarié·e est à interroger.
- Un continuum de formation, de la licence aux premières années d’enseignement, est nécessaire pour mieux répondre aux exigences des métiers de professeur et de CPE. En licence, des modules de préprofessionnalisation sensibilisent les étudiant·es aux réalités du système éducatif ; le master MEEF garantit une formation adossée à la recherche ; les néo-titulaires bénéficient d’un temps de décharge pour continuer à se former.
Le Sgen-CFDT défend une formation exigeante aux différents métiers de l’enseignement et de l’éducation.
Cette exigence nécessite :
- un continuum de formation de la licence aux premières années d’enseignement ;
- deux années consécutives de formation en alternance dans le master MEEF ;
- une mise en responsabilité progressive et rémunérée.
Le master MEEF est un diplôme universitaire qui doit permettre d’ouvrir les étudiant·es à l’ensemble des métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation. Il n’a pas vocation à préparer exclusivement aux carrières de l’éducation nationale. Si le master MEEF permet la diplomation de la préparation aux métiers de professeur et de CPE, l’insertion professionnelle des étudiant·es nécessite une ouverture à d’autres emplois. À terme, les mentions du master devraient être organisées indépendamment des concours de recrutement.
Concours de recrutement : une nouvelle place pour de nouvelles épreuves
La place des concours de l’Éducation nationale en fin de première année de master (M1) apparaît de plus en plus comme une anomalie dans le système universitaire français (principe de continuité entre le M1 et le M2).
Une motion votée au congrès du Sgen-CFDT d’Aix-les-Bains en mai 2016 a demandé à la fois la suppression des concours de l’Éducation nationale en fin de M1 et l’ouverture de discussions sur la place du concours et la nature des épreuves. L’enjeu est bien de permettre un continuum de formation professionnelle, d’abord initiale, de la licence aux premières années de titularisation, puis tout au long de la carrière.
Il faut maintenant garantir au master MEEF (Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) la possibilité d’une formation en alternance, progressive et rémunérée, sur quatre semestres et sans coupure en fin de M1 dans la logique du cursus LMD (Licence-Master-Doctorat). Les concours en fin de M2 auraient alors vocation à recruter des enseignant·es et des personnels d’éducation sur des épreuves plus professionnelles. Le concours de recrutement se positionne dans une temporalité qui lui permettra de mesurer à la fois un ensemble de connaissances et de compétences indispensables à l’entrée dans le métier. La titularisation jetterait les bases d’une formation continuée plus personnalisée.
La rénovation des épreuves d’admissibilité et d’admission doit permettre le recrutement d’enseignant·es et de personnels d’éducation conscient·es de leurs responsabilités. Les métiers d’enseignant·e et de CPE sont des métiers de concepteurs, d’ingénieurs, de professionnels de l’éducation solidement outillés du point de vue des connaissances disciplinaires, des savoirs didactiques et pédagogiques, capables de distance critique par rapport à leur pratique, au fait de la recherche en éducation. Les épreuves de l’ensemble des concours de recrutement de professeur·es et de CPE doivent pouvoir mesurer ces compétences professionnelles.
La titularisation est réorganisée pour permettre d’établir un premier bilan de compétences professionnelles. Les examens de qualification professionnelle (EQP) doivent permettre d’établir un bilan de compétences à l’issue de l’année de stage. La formation continuée est organisée en fonction des besoins exprimés par les stagiaires et recensés par les corps d’inspection.
Le Sgen-CFDT soutiendra toute évolution qui garantira :
- la compatibilité entre une formation universitaire sur quatre semestres et sans rupture entre le M1 et le M2 et un concours de recrutement de professionnels de l’enseignement et de l’éducation en fin de M2 ;
- la rénovation des épreuves d’admissibilité et d’admission pour mesurer à la fois un ensemble de connaissances et de compétences professionnelles indispensables à l’entrée dans le métier ;
- le maintien de l’alignement des niveaux de recrutement et de formation des enseignant·es et des personnels d’éducation entre premier et second degrés.
Les concours de recrutement répondent à deux objectifs : identifier et classer. L’État employeur organise des épreuves de concours pour permettre l’identification d’enseignant·es aptes à enseigner dans le système éducatif français, candidat·es classé·es pour être affectés dans des écoles ou des établissements. Une place du concours en fin de M2 est une étape dans un processus à plus ou moins long terme pour privilégier le concours en cours de formation et faire de l’examen de qualification professionnelle un bilan de compétences pour l’entrée effective dans le métier.