Le concours a, pour certains, toutes les vertus pour recruter les fonctionnaires. Il y a cependant matière à réflexion syndicale.
Les concours actuels sont-ils exempts d’effets discriminatoires ? Régionaux ou nationaux, parviennent-ils à assurer partout la couverture des postes par des fonctionnaires ? Comment comprendre que des agents non titulaires régulièrement évalués échouent quand ils passent les concours leur permettant d’exercer les mêmes fonctions mais en étant titulaires ? Comment rendre plus effectif le droit à la mobilité des agents, quel que soit le mode de recrutement ?
Dossier réalisé par Jean-Pierre Baills, Christine Barralis, Karima Boulhouchat, Xavier Boutrelle, Christophe Huguel, Jean-Louis Lopez, Catherine Nave-Bekhti, Gilles Russeil – publication initiale dans le magazine Profession Éducation – Mensuel de la fédération Sgen-CFDT n°248 – Octobre 2016
Pour bien comprendre...
- Équité entre territoires, respect des aspirations des agents : des intérêts difficiles à concilier...
- Accès à l'emploi public : lutter contre les stéréotypes pour éviter les discriminations.
- Contractuels : titulariser sans concours (mais pas sans évaluation) pour lutter efficacement contre la précarité.
- Mobilité géographique et fonctionnelle : une question prioritaire pour les Enseignants-chercheurs.
- Mobilité et dialogue social : le rôle des élus CAPN.
Équité entre territoires, respect des aspirations des agents : des intérêts difficiles à concilier…
Recrutement et première affectation dans l’Éducation nationale
Pour recruter et former les enseignants, il faut sortir de la grande pataugeoire des intérêts contradictoires.
D’un côté, la règle républicaine d’un juste équilibre des enseignants titulaires sur l’ensemble du territoire national, de l’autre les aspirations des personnels : une équation difficile à résoudre.
Les concours, ou plutôt la notion de concours est souvent présentée comme la manifestation essentielle de cet équilibre républicain. Toutefois, entrent aussi en ligne de compte l’immense diversité des réalités territoriales – dont l’attractivité n’est pas le moindre des soucis – et aussi, par exemple, les besoins par discipline.
La prise de fonctions dans l’éducation nationale
La prise de fonction est un élément essentiel d’une gestion des ressources humaines bien pensée et bien maitrisée : il y va certes du fonctionnement du service public, mais aussi du bienêtre au travail !
Pour en savoir plus : Quelle est la réalité de la prise de fonction dans l’Éducation nationale ?
Personnels de direction : évolution du concours de recrutement
Les personnels de direction sont aujourd’hui recrutés sur la base d’épreuves identiques ouvertes aux agents de catégorie A : épreuve écrite d’admissibilité et entretien d’admission.
Si le mode de recrutement est identique, deux concours distincts sont cependant organisés, le premier ouvert aux professeurs agrégés, le second aux autres catégories de personnels, ce qui entraine deux listes de lauréats (C1 et C2), priorité étant donnée aux lauréats de la C1 pour le choix des postes.
Le Sgen-CFDT propose de faire évoluer ce concours…
Accès à l’emploi public : lutter contre les stéréotypes pour éviter les discriminations
Le rapport L’Horty* sur « les discriminations dans l’accès à la fonction publique », récemment présenté au Conseil supérieur de la fonction publique, livre des éléments objectifs sur les discriminations. Le premier enseignement à retenir est que tous les types de recrutements, avec ou sans concours, sont vecteurs de discriminations, même si le concours reste le moins inéquitable.
Comment lutter contre la précarité ?
Dispositif Sauvadet, une occasion manquée
Si le protocole de résorption de la précarité signé par la CFDT a permis à des contractuels d’accéder à l’emploi titulaire, le nombre d’inscrits et de postes pourvus dans certaines disciplines ont connu une baisse conséquente dès la deuxième session… Pourquoi les personnels se sont-ils progressivement détournés de ce dispositif ? Comment faire reculer plus significativement la précarité ?
Analyses et propositions du Sgen-CFDT
Contractuels sur projet de recherche : impossibles à titulariser ?
Dans les établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche, des contractuels sont réputés impossibles à titulariser, leur recrutement étant fonction d’un projet de recherche. Pourtant, derrière les étiquettes liées en partie aux modalités de financement de la recherche, nombre de ces contractuels voient leurs contrats de recherche renouvelés sur des missions si ce n’est identiques, du moins similaires.
Pour le Sgen-CFDT, il faut recenser ces emplois qui correspondent à des besoins pérennes comme la maintenance du matériel de recherche, la gestion de projet, le système d’information. Il faut ensuite sortir ces personnels de la précarité. Pour cela, le Sgen-CFDT propose de mettre en commun les fonds propres à l’échelle régionale afin de financer la CDIsation et la titularisation. Nous continuons aussi de revendiquer le relèvement du plafond d’emploi pour faciliter la titularisation de ces collègues qui assument des missions pérennes.
Mobilité des enseignant·es-chercheur·euses : une question prioritaire dans le débat social avec le ministère
Le Sgen-CFDT est très attaché au droit de tout fonctionnaire à une mobilité choisie, géographique ou fonctionnelle. Or les mutations des enseignants-chercheurs aboutissent peu.
Jusqu’en 2015, aucune procédure spécifique de mutation n’existait pour les enseignants chercheurs : pour changer de poste, ils devaient candidater de la même manière que les postulants extérieurs, et dans les procédures cadrant les recrutements, les priorités de mutation prévues par le statut général des fonctionnaires de 1984 n’étaient pas explicitement prises en charge.
La situation a changé en 2015, avec l’application du décret du 2 septembre 2014, qui introduit deux nouveautés : la possibilité pour les établissements de fixer un taux de postes réservés à la mutation et la prise en compte de priorités de mutations pour rapprochement de conjoint et handicap. Les dossiers éligibles à ce dispositif sont soumis à l’examen du conseil académique (CAC) : s’il considère que la candidature correspond au profil du poste, il la transmet au conseil d’administration pour validation, sans intervention du comité de sélection.
L’application du nouveau dispositif semble pourtant avoir été quasi inexistante… Bilan, analyses et revendications du Sgen-CFDT
Mobilité et dialogue social : la parole des élus CAPN
Karima Boulhouchat – Attachée de l’administration de l’État
La CAPN des attachés d’administration de l’État (AAE) émet un avis sur le mouvement interacadémique.
Certains postes sont accessibles à tout candidat en fonction d’un barème. Dans ce type de mouvement, le dialogue avec la direction générale des ressources humaines (DGRH) est constructif. En tant que militante Sgen-CFDT, je défends l’équité de traitement, mais la gestion des postes profilés, pour lesquels aucun avis des membres de la CAPN n’est requis, pose problème car c’est « l’employeur » qui choisit le candidat. Le nombre croissant de ces postes ainsi que certains de leur profilage ne se justifient pas.
Cette méthode de sélection continuelle est parfois pour l’employeur public une façon de ne pas faire face à son obligation de formation continue des agents, qu’elle concerne l’adaptation au poste ou l’accompagnement du projet professionnel.
Parfois, la sélection est si drastique que le poste n’est pas pourvu à l’issue du mouvement.
Moyen souvent aisé, largement utilisé par les universités, de recourir à la bourse interministérielle de l’emploi public (BIEP) et, ainsi, de créer de la concurrence entre les divers versants de la fonction publique, voire entre titulaires et contractuels.
Christophe Huguel – Professeur Certifié
Le dialogue social autour du mouvement des enseignants du second degré est important. Tous les ans, le ministère reçoit les organisations syndicales pour discuter des éléments du barème. Les instances paritaires sont nombreuses : groupes de travail de priorité handicap, de vérification des barèmes, de mouvement spécifique, commissions d’affectation, le tout pour la phase inter-académique puis pour la phase intra-académique.
Mais ce dialogue social est difficile car des intérêts contradictoires sont en jeu : respect des priorités légales (rapprochement de conjoint, handicap et quartiers prioritaires de la politique de la ville), respect du droit à la mobilité, objectif de répartir les personnels de manière homogène sur les territoires pour éviter une « désertion » de certaines académies et l’encombrement d’autres.
Le dialogue social est incomplet car les réunions ministérielles ne portent ni sur les postes restés non pourvus dans les établissements ni sur le calibrage, c’est-à-dire la répartition des postes mis au mouvement dans les différentes académies. Or c’est le nerf de la guerre quand il s’agit de chercher à concilier objectifs du système et intérêts des personnels. Ne pas en discuter aboutit à les opposer de manière simpliste et bloque en partie la réflexion RH sur le mouvement.
Gilles Russeil – Conservateurs – Bibliothèques
J’ai le souci de préserver le cadre du mouvement national pour en garantir transparence et contrôle. Avec l’autonomie des universités, les établissements sont tentés de choisir leurs personnels selon leur propre agenda et leurs besoins, un risque pour les personnels comme pour les établissements.
La mobilité donne aux agents la possibilité d’évoluer professionnellement et aux établissements de porter un regard neuf sur le fonctionnement des bibliothèques universitaires.
Le seul recours à la BIEP à la place du deuxième mouvement n’ayant pas permis de pourvoir tous les postes, le ministère doit rétablir le deuxième mouvement à l’automne 2017, une victoire pour le Sgen-CFDT qui en faisait la demande.
Le mouvement des conservateurs porte surtout sur des postes à profil. En CAPN, le dialogue social se fait sans barème, en analysant les dossiers. La bonne connaissance des établissements, des fiches de postes, permet un échange constructif sur les critères de classement des dossiers. Travaillant sur un faible nombre de personnels, le travail des élus garantit le strict respect des priorités légales de mutation, et si les rapprochements de conjoints ne sont pas automatiques, la CAPN permet souvent de trouver une solution aux situations difficiles.