Les personnels d’encadrement du Sgen-CFDT regrettent que la réforme annoncée ne modifie pas en profondeur le baccalauréat.
Le rapport Mathiot s’est appuyé sur de nombreuses consultations et sur l’expertise de l’inspection générale. Il portait un certain nombre de propositions innovantes susceptibles de faire évoluer le baccalauréat en cohérence avec la préparation à l’enseignement supérieur. Le ministre n’a retenu qu’un nombre très limité de ses propositions.
La réforme du baccalauréat était censée simplifier l’examen, or c’est tout le contraire que le ministre a annoncé.
Pour bien comprendre...
- 1. Une réforme qui ne concerne que le bac général
- 2. Les 4 principes réaffirmés par le ministre que le Sgen-CFDT conteste
- 3. L’oral de rattrapage
- 4. Une répartition 60/40 entre les épreuves et le contrôle continu
- 5. Les 4 épreuves terminales
- 6. Le contrôle continu
- 7. Le supplément au diplôme
- 8. Les enseignements facultatifs
1. Une réforme qui ne concerne que le Bac général
Le Bac général est obtenu par 40% d’une classe d’âge : c’est le seul qui est réformé, comme c’est également le seul qui bénéficie d’une évolution de la scolarité au lycée. Le message est clair, l’adaptation à l’enseignement supérieur des bacheliers technologiques et professionnels n’est pas une priorité pour le ministre de l’éducation nationale.
Le Sgen-CFDT s’est toujours prononcé pour un lycée accueillant tous les élèves en fin de 3ème. En effet, le développement de la mixité sociale des élèves au sein des établissements est un enjeu majeur de l’école : les enseignements technologiques et professionnels ne sont pas réservés aux élèves les moins performants et il convient d’assurer le plus largement possible de vraies passerelles entre les voies de formation.
Pour le Sgen-CFDT, le véritable enjeu d’une réforme du baccalauréat devait être de rééquilibrer la hiérarchie des baccalauréats et de sortir de la discrimination sociale qui les marque aujourd’hui. C’est bien une occasion manquée, de conduire une politique publique cohérente visant plus de justice sociale.
2. Les 4 principes réaffirmés par le ministre que le Sgen-CFDT conteste
Ces 4 principes sont :
- La moyenne de 10/20 pour obtenir l’examen
- La compensation entre les disciplines maintenue
- Pas de note éliminatoire
- Un oral de rattrapage
Comment justifier que l’on veuille mieux préparer les lycéens à l’enseignement supérieur si on accepte que des compétences de ce qui est désormais appelé « le socle de culture commune » au lycée ne soient pas maîtrisées ?
Ce qui continue à compter réellement c’est la validation d’un niveau « général » moyen…
C’est tout le contraire de l’acquisition d’un socle et d’une préparation cohérente à la poursuite d’études supérieures car on en reste comme aujourd’hui à des faux-semblants : ce qui compte réellement c’est la validation d’un niveau « général » moyen et non l’identification d’un profil de compétences pourtant nécessaire pour réussir dans les filières du supérieur.
La certification, c’est-à-dire la validation d’une compétence acquise, n’est envisagée que pour les langues vivantes, « selon les standards européens ».
Le Sgen-CFDT s’est toujours prononcé pour la validation et la certification de connaissances et de compétences, en opposition avec des compensations incohérentes.
En quoi une bonne maitrise d’une discipline pourrait compenser l’absence de maitrise d’une autre discipline ? Il y a de toute évidence un manque de cohérence avec l’objectif affiché d’une meilleure préparation à l’enseignement supérieur.
3. L’oral de rattrapage
Le rapport Mathiot avait proposé la suppression de l’oral de rattrapage au profit de l’examen du livret scolaire de l’élève.
Le maintien de cet oral manque de cohérence au regard du développement de la prise en compte du contrôle continu et des efforts réguliers des élèves.
Il coûte également très cher, notamment en termes d’énergie et de présence des enseignants, pour un résultat en général prévisible grâce au livret.
Les personnels de direction ainsi que nombre d’enseignants vont à nouveau être mobilisés au moment de la préparation de la rentrée scolaire suivante par un rituel obsolète qui n’a plus de sens.
Pour le Sgen-CFDT, ce n’était pas seulement une simplification de l’examen qui était attendue par la suppression de l’examen, c’était l’occasion de donner toute sa légitimité au livret scolaire de l’élève.
4. Une répartition de 60% pour les épreuves terminales et 40% pour le contrôle continu
Quelle est l’appui scientifique si cher au ministre qui justifie cette répartition ? Pourquoi pas 50/50 ou 10/90 ?… On a le sentiment que cette répartition relève plus d’un « compromis » effectué pendant les négociations que d’un équilibre fondé sur des données scientifiques et raisonnables.
Si on s’appuie sur les résultats observés des élèves au baccalauréat, on s’aperçoit que le livret scolaire de l’élève est la base la plus fiable pour déterminer la réussite à l’examen. Le livret scolaire suffirait à lui seul à attribuer le baccalauréat sans risque de se tromper (en enlevant le côté aléatoire d’une épreuve ponctuelle qui dépend plus du correcteur et des dispositions ponctuelles du candidat que de la réalité de ses connaissances et compétences), et de déterminer la mention méritée, au-delà de notes obtenues à des options facultatives.
Le livret scolaire de l’élève est la base la plus fiable pour déterminer la réussite à l’examen…
Il est primordial de donner au contrôle continu toute sa valeur, en ne séparant pas l’enseignement du contrôle des connaissances des élèves. Enseigner c’est permettre aux élèves d’acquérir des connaissances et des compétences et de les évaluer au fur et à mesure des progressions individuelles.
Au lieu de prôner des épreuves terminales, il serait bien plus profitable pour les élèves que les enseignants développent des stratégies collectives d’évaluation qui permettent aux élèves de progresser efficacement. L’évaluation en France est souvent un « impensé » détaché des apprentissages alors qu’elle est le point central autour duquel l’enseignant doit réguler son action pédagogique.
L’évaluation des élèves est l’affaire des enseignants, que ce soit dans les modalités, le rythme, le contenu et la correction.
Par contre, dans le cadre de l’examen, on doit nécessairement distinguer le temps des apprentissages et celui de la certification qui doit être effectuée par les équipes qui ont la responsabilité des élèves.
5. Les 4 épreuves terminales
Elles représenteront 60% des résultats pris en compte pour le Baccalauréat
Le français sera évalué en fin de la classe de première comme aujourd’hui. La seule différence résidera dans un oral « revisité » sans plus de précisions données par le ministre.
Le Sgen-CFDT est favorable à une évaluation sur des enseignements choisis par les élèves. De même, il est judicieux que les épreuves se déroulent avant le 3ème trimestre afin que l’élève puisse se projeter au dernier trimestre de terminale (ou de maturité) sur sa poursuite d’études.
Le Sgen-CFDT est favorable à cet oral de projet qui permettra à l’élève de se placer dans le cadre d’une soutenance où il devra développer une argumentation orale trop peu présente dans la formation des lycéens. Néanmoins les modalités de passsation et donc les conséquences sur l’organisation des cours dans les lycées restent floues et donc potentiellement problématiques.
Des points de vigilance sont néanmoins à poser sur cet oral :
- Il doit s’appuyer sur un vrai projet interdisciplinaire et pas disciplinaire, ou au mieux bi disciplinaire, comme l’a indiqué le ministre.
- L’oral doit se préparer au sein des enseignements (La forme TPE est intéressante à conserver).
- Il ne doit pas y avoir dans le 2ème temps de l’épreuve une batterie de questions de culture générale qui renverrait à un bachotage dommageable.
Il faudrait également laisser la possibilité aux élèves de faire des présentations groupées comme cela se fait pour les TPE. Développer le travail collaboratif doit être un des objectifs de la formation au lycée.
Pour le Sgen-CFDT, s’il y a bien une discipline qu’il est problématique d’évaluer à l’écrit, c’est la philosophie :
- C’est la discipline où l’écart entre deux correcteurs est le plus important. Il a été démontré en docimologie qu’il faudrait 127 correcteurs pour que la note soit stabilisée pour une copie de philosophie. (H.Piéron, Docimologie et examens, PUF 1963)
- C’est une discipline que la plupart des élèves découvrent en terminale, c’est-à-dire 9 mois avant une épreuve écrite prise en compte pour l’examen.
- La sacro-sainte dissertation de philosophie est une épreuve totalement synthétique qui n’a aucun équivalent, ni à l’étranger, ni dans aucun cursus universitaire.
- La philosophie prend son sens et son intérêt dans le débat oral au sein duquel les élèves construisent leur argumentation individuellement et collectivement.
6. Le contrôle continu
Il pèsera pour 40% de l’examen :
- 10% de l’examen sera constitué des notes des bulletins trimestriels
- 30% constitué d’épreuves ponctuelles.
Aucun élément objectif ou scientifique n’est avancé pour cette répartition qui semble à nouveau reposer sur un compromis plutôt que sur une véritable réflexion.
A ce jour, c’est 100% des notes données par les professeurs qui sont prises en compte pour l’affectation dans les filières sélectives de l’enseignement supérieur (CPGE, IUT…). D’un côté on ferait confiance aux enseignants, d’un autre côté, on se méfierait de leur façon de noter. Les opposants au contrôle continu n’ont jamais remis en cause cette affectation sur les notes données par les professeurs des élèves.
On va répartir la lourdeur de l’examen sur les deux années terminales du lycée et multiplier les temps d’examen…
Le ministre a annoncé que le contrôle continu reposera sur des épreuves communes organisées au cours des années de première et de terminale.
Le ministre ajoute que « pour garantir l’égalité » entre les candidats et les établissements scolaires, une « Banque nationale numérique de sujets » sera mise en place, les copies anonymisées seront corrigées par d’autres professeurs que ceux de l’élève. Une harmonisation sera assurée.
Pour le Sgen-CFDT, cette organisation va répartir la lourdeur de l’examen sur les deux années terminales du lycée et multiplier les temps d’examen, concentrant la plus grande partie des épreuves sur l’année de première.
Les critiques du Sgen-CFDT :
- Le manque de confiance dans les capacités d’évaluation des enseignants.
- La séparation de l’évaluation et de l’enseignement. L’évaluation doit être l’affaire des enseignants, non du ministère et de l’équipe de direction du lycée (Les critères de certification restant nationaux quant à eux).
- La correction par un autre enseignant qui garantirait l’équité relève de la croyance et non de la réalité.
- Une banque de sujets nationaux dépossède les équipes de l’élaboration des devoirs communs, des grilles de notation et des progressions communes.
- Anonymiser les copies et organiser des examens successifs n’allègera pas le travail des équipes de direction.
- Découper le cycle terminal en « partiels » remet le bachotage au cœur des deux années terminales. C’est un travail continu et régulier de l’élève qui est attendu pour le préparer à l’enseignement supérieur.
On connait les oppositions de certains syndicats au contrôle continu parce qu’il ne garantirait pas l’équité entre les candidats et supprimerait le caractère national du baccalauréat. Comme si les enseignants des lycées dits « défavorisés », puisque c’est de cela qu’il s’agit, braderaient leur évaluation sommative en fonction de leurs élèves ? Quel mépris pour le professionnalisme des enseignants !… (Ce point a été largement développé par le rapport Mathiot).
Promouvoir l’égalité républicaine, c’est développer la mixité sociale dans tous les établissements et faire disparaitre tous les « ghettos scolaires ».
7. Le supplément au diplôme
Le supplément au diplôme proposé par le rapport Mathiot n’a pas été retenu alors que, pour le Sgen-CFDT, il constituait une belle opportunité de valoriser l’engagement associatif et électif des élèves au sein de leur établissement.
Il permettait, en le communiquant en même temps que les éléments de Parcoursup, de donner à l’enseignement supérieur des indications pertinentes pour conseiller l’élève et prendre en compte les compétences « non scolaires » acquises.
8. Les enseignements facultatifs
Le maintien d’enseignements facultatifs qui s’ajoutent au cursus des élèves interroge quant à leur évaluation. Il ne serait pas légitime qu’ils permettent, comme cela se faisait jusqu’à présent, d’obtenir une mention à l’examen.
Le Sgen-CFDT est opposé à ce que les enseignements facultatifs soient évalués sous forme d’examens ponctuels qui alourdissent les tâches des équipes de direction et perturbe le fonctionnement du lycée au profit d’un petit nombre de candidats.
Le Sgen-CFDT est également opposé à ce qu’une évaluation d’enseignements facultatifs puisse compenser les faiblesses du socle de culture commune.
Conclusion
La réforme du baccalauréat ne va pas simplifier son organisation dans les établissements, mais pourrait au contraire rendre l’examen encore moins lisible et surtout multiplier les situations d’examen tout au long du cycle terminal et ainsi fractionner le rythme des apprentissages.
Les équipes de direction risquent d’être les grandes victimes d’une organisation de l’examen qui reste très contraignante, notamment par l’instauration de partiels semestriels. C’est également ne pas faire confiance aux enseignants dans leurs missions d’évaluation de leurs élèves dans le cadre de leurs enseignements.
En l’état, la « re musculation » annoncée ne se concrétise que par une augmentation de volume des modalités d’organisation de l’examen.