Les personnels d’encadrement du Sgen-CFDT regrettent que la réforme annoncée par le ministre ne modifie pas en profondeur l’organisation et le fonctionnement du lycée.
Le rapport Mathiot s’est appuyé sur de nombreuses consultations et sur l’expertise de l’inspection générale. Il portait un certain nombre de propositions innovantes susceptibles de faire évoluer le lycée en cohérence avec la préparation à l’enseignement supérieur. Le ministre n’a retenu qu’un nombre très limité de ses propositions.
L’évolution du lycée devait permettre une meilleure adaptation à la poursuite d’études supérieures, c’est une occasion ratée.
Pour bien comprendre...
- 1 Voie générale et voie technologique
- 2 Le groupe classe maintenu
- 3 L’organisation trimestrielle de l’année scolaire
- 4 La classe de seconde
- 5 Le cycle terminal du lycée
- 5.1 Le socle de culture commune
- 5.2 Le choix de spécialités
- 5.2.1 Le parcours des élèves
- 5.2.2 Les attendus de l’enseignement supérieur
- 5.2.3 Composantes des spécialités
- 5.3 Les enseignements facultatifs
- 5.4 Les enseignements supplémentaires de terminale
- 5.5 Le volume horaire des disciplines
- 5.6 L’accompagnement personnalisé (AP)
- 5.7 Les emplois du temps
1. Voie générale et voie technologique
Le Sgen-CFDT est opposé au maintien des voies générales et technologiques de façon séparées au lycée. La rapport Mathiot proposait judicieusement de les rapprocher.
L’inégalité la plus importante que porte l’école française est liée au manque de mixité sociale, à la fois entre établissements et à l’intérieur des établissements. C’est pourquoi le Sgen-CFDT s’est toujours prononcé pour un lycée accueillant tous les élèves en fin de 3ème.
Cela induit des inégalités scolaires dont une grande partie est déterminée par l’origine sociale des élèves. La réforme proposée a abandonné l’idée même de changer cela.
La hiérarchie entre la voie générale et la voie technologique est confortée et renforcée…
De fait, la hiérarchie entre la voie générale et la voie technologique est confortée et renforcée. En effet, seule la voie générale évolue pour adapter les futurs bacheliers à l’enseignement supérieur, oubliant que le devenir des élèves de la voie technologique est aussi majoritairement la poursuite d’études.
L’appellation « socle de culture commune » introduit de la confusion : il n’est en réalité qu’un tronc d’enseignements communs de la seule voie générale.
Le Sgen-CFDT continue à demander que, dans tous les établissements où coexistaient filières générales et technologiques, elles puissent fusionner au sein d’une organisation modulaire.
2. Le groupe classe maintenu
Le maintien de l’organisation des élèves au sein de groupes classes est, pour le Sgen-CFDT, contradictoire avec la construction de parcours personnalisés et le suivi des élèves par un système de tutorat (ou de mentorat) qui a donné des résultats probants dans d’autre pays.
Le maintien du groupe classe par le choix des spécialités va recréer, de toute évidence, des séries de fait en regroupant les élèves en fonction de leurs spécialités.
La proposition du ministre est à mi-chemin entre la conservation de l’organisation traditionnelle du lycée et un lycée modulaire qui seul permet la construction de réels parcours et certifie les connaissances et les compétences acquises par les élèves.
Une incertitude cependant :
La détermination des spécialités et notamment des triplettes et des doublettes offertes aux élèves, pourrait remettre en question cette organisation du groupe classe. Si tous les choix sont possibles pour les élèves, le groupe classe perdra de sa signification. Par contre, si les choix sont organisés en triplettes et doublettes prédéfinies, le groupe classe conservera son organisation proche des séries actuelles.
3. L’organisation trimestrielle de l’année scolaire maintenue
Le rapport Mathiot faisait de l’organisation en semestre un levier majeur de l’évolution de du lycée : « le semestre correspond mieux aux objectifs d’un lycée aux parcours évolutifs tourné vers l’enseignement supérieur. »
Le Sgen-CFDT s’était également prononcé pour une organisation semestrielle du lycée qui permettait aux élèves de construire de réels parcours évolutifs tout au long de leur scolarité.
On sait que le ministre a cédé aux oppositions de certaines organisations syndicales qui dénoncent une annualisation du temps de travail. C’est oublier que la modulation des emplois du temps hebdomadaires existe déjà au lycée professionnel et que certains enseignements au lycée étaient déjà annualisés (TPE par exemple) sans pour cela que les droits des enseignants soient remis en cause.
Le Sgen-CFDT invite les équipes à s’appuyer sur l’autonomie des établissements au sein de leurs conseils pédagogiques pour innover et proposer des organisations sur la base de projets éducatifs. (Semestrialisation, séquences d’enseignement de 45 minutes…).
4. La classe de seconde
La classe de seconde débutera par un test de positionnement qui oublie qu’il existe un socle commun de connaissances, de compétences et de culture en fin de cycle 4 du collège.
Le Sgen-CFDT rappelle que c’est à partir des compétences validées ou non par les enseignants du collège que les enseignants du lycée doivent adapter leur enseignement et notamment proposer un Accompagnement Personnalisé (AP) adapté aux besoins identifiés des élèves arrivant au lycée.
Il n’est pas acceptable que le Livret Scolaire Unique – LSU de chaque élève arrivant au lycée ne soit pas mis à la disposition des enseignants du lycée.
L’Accompagnement Personnalisé est ciblé par le ministre sur la maitrise de l’expression orale et écrite, ce qui va réduire l’AP à la seule intervention des professeurs de français.
L’instauration de tests s’oppose à la continuité des apprentissages entre le collège et le lycée et valide l’absence d’appropriation du socle du cycle 4 du collège par les enseignants du lycée.
L’aide à l‘orientation de 54 heures par an n’est plus liée semble-t-il au « Parcours avenir » qui a disparu des propositions du ministre.
Pour le Sgen-CFDT, il est regrettable que le ministre n’ait pas retenu les préconisations du rapport Mathiot qui proposait une organisation semestrielle de la classe de seconde et un choix seulement au 2nd semestre des enseignements d’exploration, après un semestre d’adaptation au lycée.
La classe de seconde reste marquée par les choix des enseignements d’exploration que les élèves de 3ème continueront d’effectuer sans savoir à quoi ils vont s’attendre. La pré-orientation constatée par le choix des enseignements d’exploration perdurera de façon dommageable pour les élèves les plus fragiles.
5. Le cycle terminal du lycée
5.1. Le socle de culture commune
Les deux nouveautés intéressantes pour le Sgen-CFDT sont la définition d’un socle que les nouveaux programmes devront confirmer et l’apparition de l’enseignement « humanités scientifiques et numériques » qui peut correspondre à un enseignement interdisciplinaire.
Amener les sciences au rang d’humanités est également une avancée intéressante dans la culture de chaque lycéen du XXIème siècle.
Pour l’instant, même si le ministre lui a donné le nom de socle, il n’a que l’apparence d’un tronc commun.
5.2. Le choix de spécialités
Les lycéens auront à choisir dès la fin de la classe de 2nde, trois enseignements de spécialité qui détermineront leur poursuite d’études supérieures.
Le Sgen-CFDT reconnait que le choix par les élèves d’un certain nombre d’enseignements est une avancée mais regrette que ces choix ne permettent pas la construction d’un véritable parcours de formation.
En effet, le choix de spécialités sur une année scolaire entière et poursuivies en terminale enferment les lycéens dans des cylindres au moins aussi fermés que les séries actuelles du baccalauréat.
5.2.1. Le parcours des élèves
Le choix de spécialités en 1ère poursuivies en terminale s’oppose à une organisation modulaire qui permet de valider un niveau de compétences. Un niveau validé permet de poursuivre sur un niveau supérieur ou de compléter son parcours de formation par un autre module qui élargit son champ de formation et de construire progressivement son insertion dans l’enseignement supérieur.
Les lycéens vont rester enfermés dans des parcours de réussite prédéfinis…
Dans l’organisation proposée par le ministre, même s’il sera possible de changer de spécialité entre la classe de 1ère et de terminale, la spécialité de terminale semble être la poursuite de la spécialité de 1ère. Le choix de l’élève en fin de 2nde va donc être déterminant pour la spécialité de terminale et obliger l’élève et sa famille à formuler des choix toujours très précoces.
Pour le Sgen-CFDT :
- Il est indispensable de remplacer les spécialités proposées aux élèves par des enseignements modulaires aux niveaux progressifs.
- Il est essentiel que soit laissé un choix à l’expérimentation et à la construction progressive du parcours de formation.
Le ministre n’a pas été assez ambitieux, le rapport Mathiot l’y incitait pourtant. Les lycéens vont rester enfermés dans des parcours de réussite prédéfinis qui ne vont pas être compensés par la disparition des séries de la voie générale.
5.2.2. Les attendus de l’enseignement supérieur
Dans les réformes annoncées de l’examen et du lycée, le ministre n’a, à aucun moment, fait référence aux attendus du postbac. Les parcours risquent d’être construits en fonction des filières existantes dans l’enseignement supérieur sans la réflexion à mener sur les compétences nécessaires pour y réussir.
Il est néanmoins inquiétant que les choix des élèves puissent être totalement guidés par les attendus définis par les établissements d’enseignement supérieur.
Les parcours « sciences-humanités » risquent de ne jamais être choisis par les lycéens sauf si les établissements d’enseignement supérieur en font des attendus souhaités.
L’enseignement supérieur ne va-t-il pas prédéfinir les choix des élèves et interdire de fait tout couplage de spécialités original ?
Les CPGE scientifiques, par exemple, seront-elles capables d’accueillir des lycéens ayant choisi d’autres spécialités que celles du couplage « Maths/Physique-chimie » ?
5.2.3. Composantes des spécialités
Beaucoup d’enseignements de spécialité ressemblent aux anciennes disciplines des séries générales, sauf « Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques » qui permet d’envisager un enseignement interdisciplinaire aidant à la compréhension des problématiques globales du monde contemporain.
La spécialité « Humanités, littérature et philosophie » permet également d’espérer un enseignement interdisciplinaire dont les lycéens pourront tirer un grand profit, si l’enseignement supérieur le prend en compte comme un attendu valorisant.
Il est regrettable qu’il ne soit pas proposé un enseignement de spécialité interdisciplinaire d’EPS qui préparerait utilement aux études universitaires si prisées de STAPS.
Pour le Sgen-CFDT, on doit rendre possible des enseignements de spécialité définis localement, notamment interdisciplinaires.
5.3. Les enseignements facultatifs
Ils n’ajoutent rien aux spécialités et permettront seulement aux élèves les plus performants (comme aujourd’hui) de suivre des enseignements qui pèsent de façon démesurée sur le coût prohibitif du lycée français.
Le Sgen-CFDT se prononce pour une suppression de ces enseignements facultatifs qui pourraient, dans l’état, ne bénéficier qu’aux plus privilégiés.
5.4. Les enseignements supplémentaires de terminale
- Mathématiques expertes,
- Mathématiques complémentaires,
- Droits et Grands Enjeux du Monde Contemporain.
Ces enseignements auraient trouvé légitimement leur place dans un lycée modulaire qui aurait permis aux élèves de préciser et de compléter leur préparation à l’enseignement supérieur.
Ces enseignements semblent avoir été conçus pour répondre aux attendus de certaines filières de l’enseignement supérieur, ce qui va formater le parcours des élèves et donc réduire la construction d’un véritable parcours personnalisé.
Une proposition « mathématiques de réconciliation » aurait été la bienvenue.
5.5. Le volume horaire des disciplines
Chaque association disciplinaire a sorti sa calculette et a évalué le nombre d’heures que la réforme ferait perdre à sa discipline qui est par définition la plus importante pour la scolarité du lycéen.
Le Sgen-CFDT, en l’état, n’a pas souhaité se livrer à cet exercice pour évaluer, avant la rédaction des programmes, quel poste de quelle discipline devrait être fermé aux rentrées 2019 et 2020.
Les choix des établissements dans l’offre de combinaisons de spécialités qui sera proposée aux élèves ainsi que les choix des élèves (non prévisibles à ce jour) détermineront l’organisation disciplinaire des établissements.
De même, des enseignements tels que « humanités scientifiques et numériques » ou des spécialités telles que « Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques » et « Humanités, littérature, philosophie » doivent être précisés pour déterminer les disciplines qui y collaboreront, ou n’y collaboreront pas, en laissant une large initiative aux équipes des établissements.
Le suivi de « l’oral de projet » de chaque élève, la répartition de l’AP en 2nde, de l’AP éventuellement sur le cycle terminal, l’aide à l’orientation, la participation aux enseignements pluridisciplinaires sont autant d’inconnues qui ne permettent pas de faire des spéculations rassurantes ou anxiogènes.
Pour le Sgen-CFDT, les analyses en conseil pédagogique seront les points d’appui de l’adaptation locale de la réforme du lycée et détermineront les « poids des disciplines » dans la nouvelle organisation de l’établissement.
5.6. L’accompagnement personnalisé (AP)
L’accompagnement personnalisé semble avoir totalement disparu du cycle terminal au profit d’un « temps d’aide à l’orientation ».
Il est énoncé que « les élèves seront accompagnés selon les horaires prévus dans le cadre des marges d’autonomie des établissements ».
Le Sgen-CFDT s’inquiète d’une disparition de l’Accompagnement Personnalisé qui semble actée parce qu’il n’est pas doté d’un horaire spécifique. (On sait ce qu’il advient d’un horaire non spécifique, rapidement récupéré par les disciplines.)
L’AP n’est mentionné que pour la classe de 2nde où il serait mis en place après le test de positionnement (Voir ci-dessus II.4).
Le tutorat, mesure essentielle et pourtant peu mise en œuvre de la dernière réforme du lycée, est totalement écarté.
De même, aucune incitation à la coopération entre les élèves, dans le cadre de travaux collectifs, n’est proposée.
Travailler et réussir ensemble n’a pas été une préoccupation de l’évolution du lycée alors que ce sera une exigence, peut-être de l’enseignement supérieur, nécessairement de l’activité professionnelle des futurs bacheliers.
5.7. Les emplois du temps
Seule une organisation modulaire et semestrielle telle que le Sgen-CFDT le proposait aurait permis d’offrir aux élèves la possibilité de construire réellement des parcours individualisés.
L’offre de spécialités multipliée par le nombre de combinaisons (3 en 1ère et 2 en terminale) qui sera associée aux langues vivantes des élèves, aux enseignements facultatifs et aux 3 enseignements supplémentaires de terminale ne permettront pas de concevoir des emplois du temps dans le cadre actuel du lycée organisé en classes.
Les établissements pourraient se positionner entre :
- une organisation où le groupe classe serait défini par le choix des spécialités, ce qui aurait pour conséquence la reconstitution de séries et limiterait le choix des élèves à des combinaisons prédéterminées.
- une organisation où le groupe classe ne concernerait que le socle de culture commune, les enseignements de spécialités devant être alignés, ce qui permettraient de ne pas recréer les séries précédentes.
Le Sgen-CFDT est favorable à la seconde possibilité qui laisse un vrai choix aux élèves. Cette organisation demande une adaptation locale, gage de confiance donnée par le ministère à l’autonomie des établissements et aux personnels. C’est au conseil pédagogique d’instruire ces modalités qui doivent être validées par le conseil d’administration.
Conclusion
En ne s’appuyant que de façon extrêmement limitée sur le rapport Mathiot, à la fois innovant et pragmatique, c’est une véritable occasion que rate le ministre. Il passe en effet à côté de la nécessité de positionner le lycée dans la continuité du socle du collège et dans la préparation à l’enseignement supérieur en cohérence avec le plan étudiant.
La proposition de fusion des voies générales et technologiques émise par le rapport Mathiot est également écartée. Cela aurait permis de ne pas stigmatiser les lycéens d’une voie de 2nd ordre, de renforcer la mixité au sein des établissements, de proposer des spécialités technologiques à tous les élèves et de profiter des pratiques « d’enseignement par projet » développées par les enseignants de la voie technologique.
Il serait regrettable que les choix des enseignements de la part des élèves ne puissent pas être faits en fonction de leurs goûts mais en fonction des attendus définis par certains établissements d’enseignement supérieurs. La réforme passe à côté d’une véritable préparation à l’enseignement supérieur en termes de compétences au bénéfice de contenus disciplinaires.
L’organisation du cycle terminal sans choix de modules semestriels ne permettra pas la construction progressive et réversible des parcours des élèves.
De même, si le maintien de l’organisation en classes, sur le mode actuel, est confirmé, il ne permettrait pas de concevoir des emplois du temps opérationnels sans limiter les choix des élèves.
Enfin, l’autonomie des établissements tant vantée par le ministre pourrait être corsetée par la rigidité du cadre proposé et si les initiatives locales étaient t limitées.
Pour le Sgen-CFDT, c’est en donnant des marges d’initiative, c’est-à-dire en responsabilisant les collectifs, que les pratiques pédagogiques pourront évoluer pour répondre au mieux à l’accompagnement des élèves. C’est ce qui aurait pu « remuscler » à la fois le baccalauréat et le lycée.