Le mercredi 20 mai 2020, le comité technique ministériel de l'Education nationale était consulté pour avis sur deux textes relatifs à la formation et au recrutement des personnels d'enseignement et d'éducation. Pour le Sgen-CFDT qui a exprimé un vote négatif sur les deux textes, le Ministère a raté l'opportunité d'une réforme de la formation qui aurait pu faire sens.
Concours de recrutement en fin de master
Le décret soumis au CTMEN prévoit que les concours de recrutement des personnels d'enseignement, d'éducation et psychologues de l'Education nationale auront désormais lieu en fin de master.
C'était une des revendications du Sgen-CFDT, mais dans un ensemble qui fait système pour réformer la formation initiale :
- concours de recrutement en fin de master,
- concours de recrutement avec un petit nombre d’épreuves, mais qui soient clairement professionnelles,
- formation professionnalisante en alternance et rémunérée pendant deux ans.
Or si le concours est en fin de M2, les épreuves restent trop nombreuses, trop peu professionnelles, et les modifications de l'arrêté sur le master MEEF ne nous convienennt pas.
Nouvelles modification de l'arrêté relatif au master MEEF
Ce nouveau projet d’arrêté master MEEF cristallise à lui seul tous les rebondissements, toutes les tensions et tous les affrontements que nous connaissons sur le dossier de la formation des enseignants depuis la réouverture des négociations il y a maintenant deux ans mais finalement depuis 10 ans avec la décision de mastériser la formation des enseignants.
Sur cette dernière séquence, en moins d’un an, nous avons eu à examiner deux nouveaux projets de modification de l’arrêté du master MEEF depuis celui de 2013 et à chaque fois avec des modifications majeures : d’abord sur la place du concours puis sur l’alternance. Et à chaque fois, la logique n’est pas poussée jusqu’au bout :
- sur le concours, il est bien déplacé en fin de M2 comme le Sgen-CFDT le demandait (article 6) mais les épreuves de recrutement restent trop nombreuses et sans ancrage professionnel suffisant ;
- sur l’alternance, modalité de formation professionnelle que le Sgen-CFDT défend, elle est contrainte par des modalités de stage qui restent à clarifier (absence de la circulaire) et elle ne sera pas suffisamment rémunérée (article 15 : il est seulement prévu un contrat de 12 mois sur les deux années du master).
Le Sgen-CFDT avait déposé 9 amendements pour le CTMEN parce que le nouveau projet d’arrêté pose problème sur un certain nombre de points :
- Il ne permet pas d’inscrire pleinement la formation rénovée dans une alternance intégrative sur deux ans (articles 3 et 12).
- Cette mise en responsabilité ne sera pas nécessairement préparée si les SOPA se cantonnent à la première année de master, voire essentiellement au S1 (article 14).
- Rien ne garantit dans ce nouvel arrêté que tous les étudiants se destinant aux métiers de l’éducation nationale feront bien un stage dans une école primaire ou dans un établissement du second degré en lien avec la mention (article 15).
- La rémunération sur seulement 12 mois mettra un certain nombre d’étudiants en difficulté financière, tout particulièrement au moment de passer le concours si l’alternance était déclinée au S2 et au S3.
Enfin, la mise en œuvre de cette réforme pour la rentrée prochaine (article 22) est juste impossible. L’introduction de l’alternance dès le M1, ce dont se félicite le Sgen-CFDT avec toutes les réserves émises précédemment, nécessite de fait une reprise totale des maquettes par les équipes universitaires. Ce n’est plus possible.
Les collègues formateurs dans les ÉSPÉ puis maintenant dans les INSPÉ se sont fortement investis ces dernières années pour accompagner tous les changements depuis 2010 puis 2013. Ils demandent à être reconnus dans leurs missions et associés aux nouvelles maquettes.
La précipitation avec laquelle on va leur demander de mettre en œuvre à la rentrée ce nouveau master n’est pas respectueuse de leur engagement. Tout comme l’annonce de la mission de M. Sherringham qui a jeté un trouble profond et qui demande encore à être comprise. Et ne parlons pas du comité de suivi INSPÉ qui ne s’est encore jamais réuni et qui n’a jamais été consulté sur ce projet d’arrêté master MEEF pourtant porté par les INSPÉ.
Malgré l'intégration de quelques uns de nos amendements, le projet d’arrêté master MEEF n’est pas satisfaisant et ne peut pas, encore une fois, convenir aux choix qui devaient se faire pour revaloriser la formation des enseignants.
Pour le Sgen-CFDT, la réforme 2020 de la formation initiale rate ses cibles
Le Sgen-CFDT a donc émis un vote négatif sur le décret relatif à la place du concours et sur les modificationsdu master MEEF.
Nous le regrettons à plusieurs titres :
- nous étions demandeur d’un concours en fin de M2,
- nous nous sommes pleinement investis dans le dialogue social depuis des mois et il y a eu des évolutions que nous saluons.
Cependant, les textes actuels restent trop éloignés de ce que nous attendons d’une réforme de la formation initiale des personnels d’enseignement et d’éducation.
l’alternance, elle ne s’accompagne pas d’une rémunération sur l’ensemble du master. C’est extrêmement problématique car cela va restreindre le recrutement, cela ne permet pas d’accroître l’attractivité de la formation et du métier. L’architecture qui se dégage aujourd’hui comporte des contradictions majeures : rémunération en S2 et S3 mais pas de rémunération en S1 ni en S4. Cela réduira l’attractivité du master, en particulier pour les étudiant.e.s issu.e.s de milieux défavorisés, ou les pousser à prendre un emploi pendant les semestres non rémunérés, au détriment de leur réussite. Cela pourrait pousser des étudiant.e.s à prendre un emploi en S4 pour maintenir leur rémunération alors même que ce semestre devrait être consacré à la préparation du concours de recrutement. Et n’est-ce pas finalement totalement incohérent de préférer faire arrêter un stage en école ou en établissement scolaire en fin de master MEEF pour permettre à ces mêmes étudiant.e.s de réussir justement un des concours au métiers de l’éducation nationale parce que les épreuves de recrutement ne valoriseront pas l’expérience professionnelle acquise tout au long de ces deux années. Compte-tenu de ce que nous savons de l’architecture de l’année de stage, il pourrait être finalement plus pertinent pour un.e étudiant.e de faire le choix d’un autre master ou de ne pas faire l’alternance en MEEF (celle-ci ne pourra être obligatoire, compte-tenu du nombre de berceaux) afin de bénéficier de conditions de stages moins difficiles que celles qui prévaudront pour un.e étudiant.e qui aura privilégié l’alternance. Ce serait en complète contradiction avec les objectifs de la réforme que nous souhaitions, nous semble-t-il.
Le Sgen-CFDT regrette que, depuis le début des négociations, il y a maintenant deux ans, une vision fragmentéee et doctrinaire de la formation des enseignant.e.s et CPE l’ait emporté sur une approche beaucoup plus globale et pragmatique qui aurait dû conduire à une évolution systémique. Cette lecture d’un autre âge nous conduit aujourd’hui dans l’impasse. Un voeu unanimement voté par le CTMEN demandait le report de l'examen des textes. Une fois de plus, le Ministère a préféré la précipitation et la présentation de textes insatisfaisant et incohérent dès le 20 mai 2020. Résultat, le décret sur la place du concours a eu un avis négatif et ne sera pas de nouveau examiné car la FSU s'est abstenue sur ce texte, quant à l'arrêté master MEEF il a recueilli un avis unanimement défavorable. Nous le déplorons et le Sgen-CFDT continuera à porter ses revendication pour une autre formation, dans l’intérêt des étudiant.e.s et de la réussite de leurs futur.e.s élèves.