Ce CSAMEN, qui traite des problématiques des moyens comme tous les ans à la même période, se tient le lendemain de l'adoption de la "loi immigration". Notre déclaration liminaire.
Le texte adopté mardi soir par l’Assemblée nationale et le Sénat restera dans l’histoire comme une tache sur notre démocratie. L’extrême droite a soufflé les mots et les idées de la loi sur l’immigration votée par les parlementaires. Une loi qui porte atteinte aux droits fondamentaux de citoyens étrangers vivant de façon régulière sur le sol français, qui attaque le droit du sol, rétablit le délit de séjour irrégulier, durcit l’accès aux titres de séjour…
Les digues édifiées contre le nationalisme d’extrême droite ont été largement fissurées par les mots et les expressions prononcés dans les assemblées pendant la période des débats. Ce 19 décembre, elles se sont effondrées.
La CFDT demande au Président de la République de ne pas promulguer cette loi qui fait honte à notre pays.
Les mots, les actes et les valeurs de l’extrême droite centrés sur le rejet de l’autre et le repli sur soi n’offrent aucune perspective positive pour notre pays, pour notre société et en son sein pour les plus fragiles.
La CFDT appelle toutes les forces humanistes et de progrès à s’opposer à la diffusion et à la banalisation du projet de l’extrême droite.
Si cette loi devait être promulguée, elle aurait des conséquences pour l’école. Son adoption, la teneur des débats dans les deux chambres du parlement et dans les médias feront leur œuvre délétère.
La loi immigration et ses conséquences sur la scolarité de nos élèves et sur nos collègues
Des enfants dont les parents n’auront plus le bénéfice d’aides sociales uniquement parce qu’étrangers vont être dans des situations plus précaires encore. Monsieur le ministre, vous n’avez pas encore répondu à notre courrier sur la scolarisation des enfants à la rue, des enfants étrangers qui peinent à accéder à la scolarisation en contradiction avec des Traités et Conventions ratifiés par notre pays, en contradiction avec notre Constitution. Demain, avec cette loi, le risque est grand qu’ils soient encore plus nombreux. Cette situation est inacceptable.
Demain, des enfants pourraient ne pas acquérir la nationalité française à leur majorité par défaut d’information, par difficulté à accomplir les démarches désormais demandées dans un intervalle de temps très court, parce qu’un faux pas dans leur jeune âge leur sera reproché, en renoncement aux principes de l’éducabilité de toutes et tous ?
Demain, comment convaincre nos élèves que les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ne sont pas que des mots aux frontons des édifices publics, mais s’incarnent dans la vie, dans leur vie.
Aurons-nous les moyens, d’informer, d’accompagner les élèves étrangers sur les conditions d’accès à la nationalité française, sur les enjeux pour elles et eux de l’acquisition ou non de la nationalité ?
Les budgets pour l’aide sociale aux élèves seront-ils revus à la hausse pour accompagner la scolarisation de tous nos élèves, pour empêcher que ceux dont les parents étrangers, plus récemment installés, ne sombrent dans une précarité plus grande ? Les personnels refuseront d’assister impuissants à cette dynamique indigne de notre pays, de nos idéaux républicains et humanistes.
Nos collègues contractuels de nationalité étrangère auront aussi à subir les conséquences de cette loi. Comment allez-vous les protéger pour leur permettre d’assurer leurs missions de service public dans de bonnes conditions, sans la crainte permanente du lendemain ?
Profitons de la baisse démographique
Concernant l’objet de ce CSA ministériel, et avant de développer quand nous en viendrons à l’examen de la répartition des emplois à la prochaine rentrée, quelques éléments tout de suite.
Pour le Sgen-CFDT, la baisse démographique en cours peut de fait redonner enfin des marges de manœuvre. Il est indispensable que la diminution du nombre d’élèves ne se traduise pas par la politique budgétaire du rabot.
Les annonces que vous faites ce matin sur le schéma d’emplois vont dans ce sens, en ce qui concerne les postes d’enseignants. Dans votre présentation, vous exprimez une volonté claire d’attribuer plus de moyens là où les besoins sont les plus importants, c’est une logique que nous soutenons. Le Sgen-CFDT et la FEP-CFDT demandent notamment que les moyens soient plus importants dans les écoles et établissements aux IPS les plus faibles et là où la mixité sociale et scolaire progresse. Nous attendons une politique plus forte et plus volontariste en termes de mixité sociale et scolaire dans l’ensemble du système éducatif.
Arrêtons les réformes à marche forcée et les annonces sans lendemain
Il faut arrêter de réformer à marche forcée, et se donner le temps de construire des améliorations du système éducatif avec les personnels, en veillant tout à la fois l’amélioration des conditions d’étude des élèves, des conditions de travail et de rémunération des personnels et en visant l’émancipation, l’égalité par la démocratisation, la mixité sociale et scolaire par un système d’éducation et de formation véritablement inclusif.
C’est pourquoi le Sgen-CFDT demande un moratoire sur la réforme de la terminale bac pro, l’instauration d’un véritable dialogue social et territorial sur la carte des formations avec un accompagnement à la hauteur des enjeux pour les professionnels concernés. Nous demandons aussi de revoir les annonces faites dans le cadre du choc des savoirs dont plusieurs sont des recettes passéistes ne fonctionnent pas, les études le montrent et elles participent au contraire à l’inefficience du système. Les moyens nouveaux que vous annoncez ce matin doivent permettre aux équipes d’adapter leur organisation pédagogique aux besoins des élèves, de déployer des pratiques pédagogiques ajustées dans la classe. Il faut donner aux équipes la capacité de l’ingénierie pédagogique, ce serait là la reconnaissance de leur expertise professionnelle. Dans le 1er degré, le Sgen-CFDT constate qu’il reste des classes trop chargées dans certains territoires et estime nécessaire de se donner comme objectif d’avoir davantage d’adultes dans les écoles, et en particulier plus d’enseignantes et enseignants que de classe.
Pour parvenir à assurer les recrutements et la formation des nouveaux personnels recrutés, il faut une programmation pluriannuelle des emplois pour permettre la constitution de viviers d’étudiants et étudiantes comme le recommandait le CNESCO en 2015.
Il faut aussi reprendre et prolonger une dynamique de revalorisation des rémunérations sans alourdir la charge de travail, et améliorer les conditions de travail de toutes et tous.
Dans les autres métiers, notre école a aussi besoin d’une meilleure capacité à pourvoir les postes, en particulier dans la filière santé et social, et de disposer de davantage de moyens humains, nous pensons aux difficultés liées à la sous-administration de l’Éducation nationale.
Enfin, trois questions précises
Le droit de retrait dans le contexte anxiogène actuel
Concernant la protection des personnels, nous constatons des failles majeures dans le dispositif global relatif à la santé et la sécurité du travail. Si les orientations stratégiques ministérielles ont été enrichies hier en formation spécialisée, il reste beaucoup à faire pour que l’obligation de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail se matérialise pour l’ensemble des personnels. Le contexte légitimement anxiogène créé par les deux attentats contre l’École et l’assassinat de deux collègues en 2020 et 2023, par la multiplication des alertes à la bombe n’est pas suffisamment pris en compte par les autorités académiques dans l’analyse des situations, dans la manière de soutenir les équipes éprouvées. Une lecture strictement juridique et par la question des retraits sur salaire en cas d’arrêt de travail n’est pas entendable.
La révision de la carte des établissements en politique de la ville
La cartographie de la politique de la ville doit être revue dans les tous prochains jours ou semaines. Nous demandons la structuration du dialogue social sur les conséquences qui doivent en être tirées au ministère de l’Éducation nationale. Pour le Sgen-CFDT, il serait inacceptable qu’une fois de plus notre ministère ne révise pas l’arrêté de 2001 qui liste les écoles et établissements scolaires relevant de la politique de la ville. Des personnels ne bénéficient pas des droits qui en résultent.
La revalorisation des personnels du pôle santé-social
Dans le cadre de l’adoption du projet de loi de finances pour 2024, le gouvernement a intégré un amendement qui permet, avec des moyens dédiés, d’assurer une meilleure revalorisation des infirmières et infirmiers scolaires, notamment via de l’indiciaire. C’est enfin une bonne nouvelle alors que depuis des mois maintenant nous demandions l’extension du Ségur et du CTI aux infirmiers et infirmières scolaires.
Mais il faut aussi des mesures en faveur des assistants et assistantes de service social (ASS). Nos collègues n’ont pas eu de revalorisation en 2023 et alors qu’il y avait des promesses pour 2024, ce serait inacceptable que ce soit de nouveau une année blanche. Pour elles et eux, nous revendiquons aussi l’extension des mesures du Ségur. Le corps des assistantes et assistants de service social est désormais un corps de catégorie A, mais sans en avoir encore la grille et l’indemnitaire type. Nous demandons une harmonisation par le haut et rapide autant sur l’indiciaire que l’indemnitaire au bénéfice des assistantes et assistants de service social.