Utiliser le biais de l'art pour une approche nouvelle de cette valeur cruciale qu'est l'égalité entre les sexes, telle est l'ambition de l'exposition organisée au collège François Rabelais de l'Escarène (Alpes-Maritimes). Camille Kleinpeter, à l’initiative de ce projet répond à nos questions.
L’exposition n’est pas en tant que telle sur l’égalité Femmes-Hommes ou Filles-Garçons, mais à travers les thèmes qu’elle porte, les violences faites aux femmes, l’évolution de la condition des femmes et les femmes de conviction, elle participe pleinement à l’éducation à l’égalité.
Depuis longtemps, je travaille sur l’éducation à la sexualité, l’égalité filles-garçons, les violences faites aux femmes, et tous les ans ou presque, j’entends des remarques sur la tenue vestimentaire ou la « pose qu’elle prend » qui pourraient justifier un viol, ou celle qui m’effondre à chaque fois quand on parle du viol conjugal « mais elle est mariée » (ce qui sous-entendrait donc que le fait d’être mariée implique que la femme n’a pas le droit de ne pas vouloir un rapport sexuel).
Cette année, j’ai eu envie d’aller plus loin que de simples activités en classe et débats avec les élèves de quatrième.
L’exposition, visitée en premier lieu par les élèves de quatrième, permettra aux classes, les petit.e.s sixièmes comme les grand.e.s troisièmes d’approcher différemment cette valeur cruciale qu’est l’égalité entre les sexes.
L’idée est d’utiliser le biais de l’art pour promouvoir cette valeur.
En plus de l’exposition d’œuvres dans l’Espace d’Arts de mon collège, les couloirs autour des salles de SVT sont devenus les supports de portraits de personnes qui ont fait évoluer la condition des femmes, de premières femmes dans leur domaine (souvent bien longtemps après les hommes) et d’affiches, sensibilisation, dessins, sur les violences sexistes et sexuelles.
Le travail s’est articulé en plusieurs temps, en classe ou à la maison, dans le cadre du Parcours Citoyen.
Le projet « Femmes de Combat, Combats de Femmes » (le titre de l’exposition) a commencé par une activité en classe sur les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes la semaine du 25 novembre (journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes). A partir de chiffres, de publicités, de dessins de presse, les élèves débattent entre eux. De manière attendue, et cela prouve qu’il y a encore beaucoup de travail, ce sont les filles qui sont les plus concernées et qui participent le plus.
Ils ont dû ensuite effectuer une recherche sur les personnes qui ont fait évoluer la condition des femmes (rapide biographie et en quoi elles.ils ont œuvré et trouver une « première femme » (astronaute, médecin, avocate, …).
La semaine du 8 mars (journée internationale des droits des femmes), les élèves ont visité l’exposition installée dans l’Espace d’Arts et ont travaillé en classe sur les inégalités des droits entre les sexes, ce qu’est le féminisme et ses symboles.
Ils doivent réaliser une affiche de sensibilisation contre les violences faites aux femmes, les stéréotypes de genre, l’égalité des droits, …. Ces affiches seront exposées dans l’établissement.
Par ailleurs, les élèves volontaires ont déjà travaillé sur l’illustration de citations « féministes » et je vais leur proposer de réaliser une frise chronologique illustrée des grandes dates de l’évolution des droits des femmes.
J’espère de tout cœur pouvoir faire un vernissage (ou plutôt un décrochage vu la situation sanitaire) et mettre en avant tous les travaux des élèves. Pour ceux que nous avons déjà récupérés avec ma collègue de SVT qui participe au projet, ils sont de grande qualité et d’une grande pertinence.
Les collègues ont été invités à participer au projet. La collègue documentaliste a mis en place une bibliographie fournie et variée (romans, BD, documentaires, …). La collègue de Lettres de deux des classes de quatrièmes va faire travailler ses élèves sur ces œuvres littéraires.
J’ai la chance d’avoir une direction partante pour les projets. Le soutien de la principale est total, tant « moral » que financier et même technique. J’ai carte blanche et c’est agréable.
La principale adjointe s’est aussi impliquée dans une action contre le harcèlement en octobre et à la réalisation d’un mini-livret de visite de l’exposition pour les sixièmes et les cinquièmes.
Nous sommes tou.te.s censé.e.s l’aborder, comme l’éducation à la sexualité. Comme pour beaucoup de sujets, c’est toujours l’autre enseignant qui va le faire. Donc, en réalité, personne ne le fait. Et il y a les sacro-saints programmes que tout le monde veut boucler. Certain.e.s pensent « perdre » du temps en traitant ces problématiques. Alors qu’elles peuvent l’être totalement dans toutes les disciplines. Il suffit de choisir le bon support.
Il y a aussi malheureusement des collègues qui ne se sentent pas concerné.e.s, « je ne suis pas prof d’EMC ou de SVT, ce n’est pas à moi de le faire ». C’est dommage. Justement, nous sommes tou.te.s concerné.e.s. Ce n’est qu’avec un discours commun et qui diffuse dans tous les enseignements que nous arriverons à faire évoluer les mentalités et donc changer la société.
Ces éléments de l’exposition sont surtout destinés aux plus grands et aux adultes. Il m’a paru intéressant d’avoir le témoignage de femmes politiques impliquées dans l’évolution de la condition des femmes et les droits des femmes. Je me suis donc tourné vers des ministres des droits des femmes (secrétaire d’état, ministre ou ministre déléguée) des gouvernements qui se sont succédés, à savoir Mme Ameline, Mme Vallaud-Belkacem et Mme Moreno. Mme Ameline est désormais membre du « Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes » à l’ONU (CEDAW). Il est compliqué de la contacter. Le cabinet de Mme Louis a transmis ma demande de témoignage au cabinet de Mme Moreno.
Mme Vallaud-Belkacem a répondu de suite à la demande et m’a fait parvenir un long témoignage sur son engagement et ses travaux quand elle était ministre : loi sur le harcèlement, pénalisation des clients de la prostitution. Elle y fait aussi le constat de l’impact négatif du confinement sur l’égalité femmes – hommes. Elle nous parle de son engagement actuel dans l’ONG One, qui cherche à éradiquer l’extrême pauvreté et les maladies évitables dans le monde.
J’ai aussi contacté Mme Louis, députée de la 3ème circonscription des Bouches-du-Rhône, du fait de sa forte implication dans la défense contre les violences faites aux femmes. Elle a été rapporteure de la Loi « Schiappa » sur les violences sexistes et sexuelles en 2018 et s’est vu confiée la mission d’évaluation de la loi en 2019. Elle est actuellement engagée sur la loi « visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels ». Dans son long témoignage, elle aborde les violences faites aux femmes. Elle présente l’engagement de la mandature actuelle dans la lutte contre ces violences et revient sur la loi « Schiappa ».
Je les en remercie.
Je tiens aussi à remercier tou.te.s les artistes qui ont gracieusement donné leur autorisation pour l’utilisation de leurs œuvres dans l’exposition :
- Mme Fanny Vella (Derrière les chiffres, « On va mettre ça sur le compte des hormones »),
- Agnès Jennepin (série Les Effrontées),
- AleXsandro Palombo (« Coward », « Just Because », « Fairy Tale »),
- Wingz (« Balance ton pied »),
- Olivier Ciappa (Marianne de la Jeunesse),
- Adeline Laffitte, Hélène Strag, Hervé Duphot ainsi que les Editions Marabulle (Manifeste des 343),
- Véronique Cabut (Une de Charlie Hebdo),
- Le Nouvel Observateur (Une – Manifeste)
- et Brut Média (vidéos « une vie »)